
Quand DFT ne veut plus dire Déficit Fonctionnel Temporaire
« Découverte d’une maladie brutale et méconnue »
Je connaissais l’acronyme DFT. Pour moi, avocate en droit de la santé, cela évoquait tout naturellement le déficit fonctionnel temporaire, ce préjudice que nous chiffrons lorsque nos clients sont confrontés à une période de limitation de leurs capacités à cause d’un accident ou d’une maladie.
Mais un jour, ce sigle a pris pour moi un tout autre sens. Un sens intime, douloureux, et bien plus lourd : celui de dégénérescence frontotemporale.
Je l’ai découvert brutalement, comme souvent quand la maladie s’invite dans une famille, à travers le diagnostic posé pour ma belle-mère. J’aime profondément ma belle-mère. C’est une femme lumineuse, cultivée, pleine d’humour et de bienveillance. Une psychiatre brillante.
Alors, apprendre qu’elle était atteinte d’une dégénérescence frontotemporale (DFT) a été un choc, doublé d’une prise de conscience : malgré mes compétences professionnelles, je ne connaissais presque rien de cette pathologie. Et pourtant, elle existe, elle frappe, et je mesure chaque jour combien elle est dévastatrice.
Une maladie discrète, mais ravageuse
Les DFT sont des maladies neurodégénératives, comme la maladie d’Alzheimer, mais elles en diffèrent par leur évolution, leurs symptômes et, surtout, par la façon dont elles transforment la personne atteinte. Elles touchent les lobes frontaux et temporaux du cerveau, zones qui contrôlent le comportement, la personnalité, le langage et certaines fonctions cognitives essentielles.
Dans le cas de ma belle-mère, comme dans beaucoup d’autres, les premiers signes ont été insidieux. Des changements d’attitude, des pertes de repères, des gestes qui ne semblaient pas « d’elle ».
Puis les troubles se sont accentués : perte progressive des mots, petite désinhibition, apathie, troubles du jugement, perte d’initiative (pour une femme de poigne et indépendante), inattention à l’autre voire enfermement. Très vite, ce n’est plus seulement la mémoire qui fait défaut, mais la capacité même d’agir, de raisonner, d’interagir.
Ce que je découvre, c’est que la DFT emporte avec elle ce qui fait la singularité, le lien à l’autre, l’autonomie. La personne que l’on aime est encore là, mais peu à peu, la maladie l’éloigne, l’isole, l’empêche d’être celle qu’elle a toujours été. Cette perte est vertigineuse, tant pour la personne elle-même que pour ses proches.
Pire qu’Alzheimer ?
Dire que la DFT est pire qu’Alzheimer n’est pas un concours de malheurs. Mais dans mon ressenti, et dans ce que je vois chaque jour, la DFT est particulièrement cruelle car elle affecte d’abord la capacité à se comporter, à parler, à se relier à l’autre, souvent avant même que la mémoire elle-même ne soit atteinte.
C’est la personnalité qui est atteinte de plein fouet. Ce sont les codes sociaux qui s’effondrent, l’autonomie qui disparaît sans prévenir. Et face à cette maladie encore trop méconnue, le parcours de soin est souvent tardif, les familles démunies, les structures d’accompagnement mal adaptées.
Un besoin d’agir, même modestement
Cette épreuve m’amène, à titre personnel et professionnel, à réfléchir à la protection juridique des personnes malades. Face à ces pathologies, les questions de curatelle, tutelle, habilitation familiale, directives anticipées, protection du couple, protection patrimoniale deviennent concrètes, urgentes, essentielles.
Les malades et leurs proches sont trop souvent confrontés à ces démarches dans l’urgence, avec le poids de la culpabilité et la douleur d’un amour devenu difficile à exprimer.
Cette expérience m’incite plus que jamais à renforcer au sein du cabinet notre engagement en faveur de la protection des majeurs vulnérables, non seulement pour sécuriser les situations juridiques et financières, mais surtout pour préserver, autant que possible, la dignité, l’autonomie résiduelle et les liens affectifs.
Je continuerai donc, à travers mes dossiers, à me battre pour que ces situations soient mieux accompagnées, mieux comprises, mieux protégées. Et pour que les DFT, comme toutes les maladies neurodégénératives, ne soient plus un sigle inconnu, mais une réalité à laquelle nous sachions répondre avec humanité et compétence.
« Transformer l’épreuve personnelle en engagement professionnel : accompagner avec humanité et compétence. »

