Amélie - Coeur Battant, Corps Patient

En tout cas c'est ce que pense mon organisme de prévoyance..
J'ai pensé à une époque que le champion du monde de l'inhumanité était le médecin qui nous a annoncé à ma femme et à moi le diagnostic le 07 Février 2023 :
Nous quittons le service.
J'ai fait des études de kinésithérapie au cours desquelles on m'a parlé de la maladie de Charcot qui ne s'appelait pas encore SLA.
Après ce court entretien, cinq minutes en tout, je me retrouve dans la cour de l'hôpital avec mon épouse en me demandant ce que ces trois lettres signifient.
Et d'un coup je fais le rapprochement.
Charcot !
Ce médecin, comptant sans doute sur l'ignorance de ses patients vis à vis de la chose médicale, m'a expédié un diagnostic gravissime en cinq minutes.
I-n-h-u-m-a-i-n.
J'ai d'abord perdu mes bras et mes mains.
Comme je suis kinésithérapeute et musicien, j'ai donc perdu en quelques mois la possibilité d'exercer mon métier et mon loisir.
J'ai continué d'accueillir mes patients jusqu'au 23 Décembre 2023. J'ai arrêté quand il est devenu impossible d'ouvrir la porte du cabinet. J'ai donc ouvert un dossier d'incapacité totale et définitive de travail auprès de la compagnie d'assurance chez qui j'avais souscrit un contrat de prévoyance pour ce genre de situation que je ne souhaite à personne. Et ceci afin de conserver un revenu, quand vous exercez en libéral, c'est indispensable.
Je suis du genre prévoyant, justement, et j'ai un contrat de ce type depuis ma première année d'exercice, il y a trente ans.
Deux fois j'ai changé d'organisme, et la dernière fois en Octobre 2022. C'est important pour la suite.
Si, si, vous allez voir !
Donc je dépose un dossier de sinistre en Février 2023, après le diagnostic. Et là commence un marathon administratif. Un marathon en montagne. Un marathon en montagne avec un sac à dos rempli de pierres. Un marathon en montagne avec un sac à dos rempli de pierres, la nuit. Et pourtant je suis à l'aise avec l'outil informatique et je maîtrise la langue. Mais il manque toujours un document, il manque toujours un certificat médical, il manque toujours un résultat d'examen.
Et quand vous récupérez le document et que vous l'envoyez, il n'est pas validé avant deux/trois semaines.
Et quand il est validé, on vous en demande un autre, car ce serait sans doute trop simple de tout demander dès le départ.
Ce qui me questionnait à l'époque, c'était qu'une décision ne soit pas prise immédiatement par le service médical de l'assurance à la lecture du diagnostic. Parce qu'il faut vous dire qu'avec Charcot, on sait où on va dans tous les cas :
C'est quand même pas compliqué de prendre en compte la gravité de la pathologie pour prendre une décision rapide.
Mais au cas où ma neurologue de la Pitié Salpêtrière serait une grande mythomane, la compagnie d'assurance me demande de passer une expertise médicale chez un angiologue de la région.
Coup de bol, c'est tout près de la maison. J'appelle et je tombe sur la secrétaire qui m'informe que le docteur ne pratique ses expertises que dans une clinique de l'autre côté de Paris. Je lui explique que j'ai des difficultés à me déplacer et que l'expertise peut se faire dans son cabinet proche de chez moi sans difficulté mais elle ne veut rien savoir. Je demande à parler au docteur, elle me répond qu'il a autre chose à faire, et me précise que je ne suis pas tout seul, et que le prochain rendez-vous disponible est dans neuf mois.
C'est long.
Très long.
Je pensais l'attendrir en lui expliquant que neuf mois est un gros pourcentage de mon espérance de vie mais rien à faire.
Il m'arrive souvent de repenser à cette femme : Elle exerçait son métier selon les consignes de son employeur, bien sûr, mais sans aucune empathie, sans une once d'humanité.
Nous, les malades, nous comprenons les délais, nous comprenons les difficultés administratives, nous comprenons les carences en personnel des milieux hospitalier, judiciaire, et des organismes sociaux.
Mais en retour, nous attendons de nos interlocuteurs qu'ils comprennent et prennent en compte nos difficultés à parler, à nous déplacer, à écrire, nos douleurs et notre fatigue.
Sans apitoiement ni pitié, mais avec patience et empathie.
Alors en Juin 2024, j'ai pris contact avec Maître Beaux.
Maître Beaux est une avocate spécialisée, entre autres, dans la défense des malades. Elle comprend les difficultés que nous rencontrons face aux lenteurs administratives, aux tracasseries bureaucratiques, et aux compagnies d'assurance qui ne veulent pas indemniser.
Alors j'ai écrit un courrier à ma prévoyance leur demandant un rendez-vous d'expertise rapide et les menaçant de faire intervenir Maître Beaux s'ils n'accédaient pas à ma requête.
Et devinez quoi ?
J'ai eu un rendez-vous la semaine d'après !
Au cours duquel un médecin a déclaré que je ne pourrai plus jamais travailler.
Après que le compte rendu d'expertise ait mis deux mois à atteindre le service médical, ils ont finalement décidé de ne pas honorer mon contrat de prévoyance, me laissant sans revenu.
Ils ont déclaré qu'en Septembre 2022, à la signature du contrat, j'étais au courant de ma maladie.
Et donc, que je suis un menteur.
Pourtant le diagnostic a été posé en Février 2023.
En 2022, j'avais le triceps du bras gauche qui tremblait légèrement pendant les entraînements de cross fit alors j'ai effectué deux examens, une IRM et un scanner, tous deux strictement normaux.
Pas de quoi s'inquiéter, de la fatigue musculaire sans doute. Il faut dire qu'au cours de cette activité sportive, je soulevais des charges très lourdes.
Si j'avais su !
Si j'avais su, bon sang !
Si j'avais su, jamais je n'aurais signé un nouveau contrat de prévoyance, et c'est comme ça que mon organisme d'assurance m'a traité comme un menteur de mauvaise foi.
Après plusieurs recours auprès de la compagnie, j'ai sollicité l'aide de Maître Beaux.
Et c'est ainsi qu'en Septembre 2024, elle a obtenu une première audience le 11 Mars 2025. La faute à l'encombrement des tribunaux que ni sa compétence, ni son empathie n'ont pu résoudre.
Seulement la partie adverse n'ayant pas répondu à la convocation, le juge a reporté au 27 Mai.
Si, si ! Ils ont le droit.
Bref, lorsque j'ai cessé mon activité professionnelle en Décembre 2023, je marchais encore, je chantais encore, je sortais encore, et maintenant je suis tétraplégique, j'ai de grandes difficultés à parler, et je dicte ce texte avec... Les yeux!
Dans quel état serais-je en Mai ?
Vous connaissez l'expression "jouer la montre "?
Je ne me plains pas, je suis entouré de ma famille et de mes amis, des auxiliaires de vie s'occupent de mes activités indispensables, hygiène, élimination, et alimentation, j'ai des aides humaines et techniques prises en charge par un état dont la solidarité, aussi difficile qu'elle soit à obtenir, existe.
Et comme du coup, malgré trente ans de cotisations, je suis privé de revenu, je me félicite de son existence.
Mais si mon témoignage peut aider des personnes comme Maître Beaux à faire naître une étincelle d'humanité dans des structures assurantielles qui en sont dénuées, alors je suis heureux d'avoir passé l'après-midi à me fatiguer les yeux sur ma tablette.
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