Amélie - Coeur Battant, Corps Patient
Quand la victoire ne suffit pas à rétablir l'injustice abattant les personnes en situation de maladie/handicap

Gagner n'efface pas toujours l'injustice initiale
Dans mon métier, je gagne. Souvent. Je parviens à obtenir justice pour mes clients, à faire reconnaître des droits, à réparer – autant que possible – l'injustice subie. C'est ma mission, et c'est pour cela que je me bats. Mais il faut bien le dire : gagner ne répare pas tout.
Certains sentiments d'injustices demeurent, et parfois je les vois revenir de dossier en dossier, avec la même violence, les mêmes conséquences pour les patients et leurs proches. Ces injustices, ce sont celles qui se cachent dans les interstices d'un système trop fragmenté, trop impersonnel (voire inhumain), trop lent.
Ce sont d'ailleurs ces injustices qui poussent à la lassitude voire à l'abandon des administrés seuls pour faire valoir leurs droits. Un parcours du combattant semé d'embûches qui mène au désespoir, voire à des idées noires pour les plus fragiles. A force de remplir et re-remplir des dossiers dans tous les sens, sans savoir combien chaque case, chaque mot revêt une importance particulière qui va les mener vers l'acceptation ou le refus de leur demande.
Exemple de maillons manquants : des cadres de santé dédiés CPAM/MDPH
C'est bien là l'une des limites majeures de notre organisation actuelle : l'absence d'un véritable référent médical transversal pour les patients chroniques ou en situation de handicap dans le cadre des contentieux CPAM/MDPH.
Je parle d'un professionnel de santé capable de centraliser les éléments médicaux pertinents, de coordonner les données éparpillées dans des comptes-rendus, des courriers, des dossiers hospitaliers, et d'en extraire l'essentiel pour le patient lors du remplissage des demandes d'invalidité, de formulaires MDPH etc….
Cet interlocuteur, dédié à ces fonctions précitées (contrairement aux médecins généralistes et hospitaliers qui n'ont pas le temps) permettrait aux patients de ne pas toujours avoir à porter, seuls, l'immense fardeau d'être les garants de la présentation et de la cohérence de leur propre dossier médical à présenter à la CPAM ou la MDPH. Il permettrait aussi aux avocats, en cas de contentieux malgré tout inévitable, de travailler avec un socle commun, précis, stabilisé.
Ce professionnel connaîtrait les barèmes de l'assurance maladie et de la MDPH, et orienterait la "catégorisation de droits" auprès des administrations.
"Ce ne serait pas une révolution. Ce serait tout simplement du bon sens. Organiser, relier, assurer une continuité des soins pour les patients."
L'avocat seul, lui, arrive souvent bien trop tard dans le parcours. Une fois que le mal est fait...
Continuer à se battre, malgré les limites du système
Bien sûr, mes confrères et moi nous continuerons à nous battre pour nos clients. Mais il serait temps de s'interroger : veut-on vraiment que les patients et leurs familles restent seuls à devoir reconstruire, pièce par pièce, un puzzle qu'ils n'ont pas toujours la compétence ou même la force de porter ?
Est-ce au patient et sa famille, seuls, d'être les seuls garants de l'accès à des droits aussi vitaux qu'une ALD ? À eux de savoir quel document transmettre, quelle information répéter sans cesse, quel mot-clé prononcer pour que leur dossier soit compris et "validé" ?
Cette absence d'accompagnement n'est pas un simple détail technique à résoudre. C'est une lourde injustice structurelle, silencieuse, qui aggrave la souffrance de ceux qui vivent déjà l'épreuve de la maladie ou du handicap. C'est parfois ce qui fait qu'un droit n'est pas reconnu, qu'une indemnisation est incomplète, qu'une demande échoue faute d'avoir été formulée comme il le faut.
C'est ce qui contraint les familles à laisser tomber ou à payer un avocat dont ils ne devraient pas avoir besoin.
Alors oui, je continuerai à me battre, dossier après dossier. Mais il faut aussi que cela soit dit : tant que ce maillon manquera, tant que l'on laissera aux malades et à leurs proches la charge de porter seuls la solidité de leur dossier, ces injustices continueront de se répéter.
Et parfois, ce sont ces injustices-là, les silencieuses, les insidieuses, qui, même quand elles se résolvent, sont les plus dures à avaler sur des mois voire des années, où les patients doivent revivre, encore et encore, l'épuisante reconstitution de son propre parcours, parfois même jusque devant les tribunaux.
Car le problème est là : quand l'organisation administrative fait défaut, ce sont les patients qui paient. En charge mentale, en perte de droits, en souffrances évitables. Cette faille systémique pèse sur les plus fragiles et transforme des démarches déjà éprouvantes en épreuves insurmontables.
"Et franchement, même quand ça se finit en victoire, c'est cet acharnement sur les personnes en situation de maladie ou de handicap qui me reste le plus en travers de la gorge."
Si vous êtes malade, proche ou professionnel concerné et que vous partagez ce constat, n'hésitez pas à me le faire savoir. Ces témoignages nourrissent aussi mon combat, dans les prétoires comme dans les débats publics.
Contact par email : contact@kos-avocats.fr
Ou par téléphone : 09 88 53 98 43