Le nombre d’arrêts maladie est en constante progression et représente aujourd’hui un coût très important lié :
- A un critère économique : Avec la hausse du smic et du salaire moyen, les IJ sont calculées sur des salaires moyens plus élevés de 12.2% en 2022 qu’en 2017 ;
- A un critère démographique : Comme la population active croit, les personnes susceptibles de présenter un arrêt maladie sont donc plus nombreuses. En outre, les personnes actives sont plus âgées donc davantage susceptibles de développer des maladies chroniques et des troubles musculosquelettiques.
Cependant, d’après la CNAM, « 42 % de la hausse des dépenses ne s’explique ni par l’évolution de la population ni par l’inflation mais par une hausse du taux de recours et de durée ». Pour résumer, « les salariés s’arrêtent en moyenne plus longtemps et, globalement, ils sont plus nombreux à être concernés par un arrêt de travail » selon Damien Vergé, Directeur de la stratégie CNAM.
La loi de financement de la sécurité sociale 2024 a mis en place des mesures visant à limiter le nombre d’arrêts maladies :
- un arrêt de travail prescrit ou renouvelé en téléconsultation ne peut être supérieur à 3 jours[1] ;
- un arrêt de travail injustifié dans son motif ou sa durée sera sanctionné par la suspension du versement de IJSS. Cette mesure n’est pas entrée en vigueur (et heureusement car il n’est pas précisé ce qu’il faut entendre par « injustifié »).
En parallèle, le renforcement des contrôles des usagers et des prescripteurs se poursuit puisque les personnes en arrêt de travail de plus de 18 mois vont être contactées, ainsi que 7000 généralistes ayant prescrits des arrêts longs et/ou nombreux.
Les médecins déplorent l’incidence de ces contrôles sur leur pratique. Cette politique du contrôle et du quota d’arrêts maladies est pour eux, infantilisante, déstabilisante et injuste envers les patients.
Et cela se comprend. L’arrêt maladie n’est pas à la convenance du patient. Il est prescrit par le médecin qui estime que l’état de santé de son patient ne permet pas la poursuite de l’activité professionnelle. Il s’agit donc d’un diagnostic, d’une position médicale. Or, l’indépendance du médecin est un principe fondamental de la déontologie médicale.
La CNAM envisage d’autres voies de contrôle :
- La mise en place de formulaires d’arrêts infalsifiables qui seront obligatoires à compter de juin 2025 ;
- Le contrôle des entreprises à taux élevé d’absentéisme pour s’assurer qu’elles ne favorisent pas « les conditions » des arrêts ou accidents du travail. Cette dernière mesure est intéressante en ce qu’elle se fixe sur l’aspect prévention. Car dans la majorité des cas, le motif de l’arrêt de travail est le burn-out, ou l’état dépressif, dû à une dégradation des conditions de travail.
Accompagner les employeurs dans la mise en place d’outils de management adaptés et bienveillants est certainement une clé intéressante. Par exemple, la semaine de 4 jours mise en place dans la métropole de Lyon a eu des retours très positifs, l’expérimentation ayant été finalement pérennisée.
Affronter les conflits interprofessionnelles peut également être une solution, et la mise en place d’une médiation constitue un moyen efficace de rétablir un dialogue ou de permettre de s’écouter, même si un désaccord persiste.
Compte tenu du montant de la dette publique, le gouvernement a annoncé une chasse aux dépenses publiques injustifiées, et l’assurance maladie est un acteur majeur de cette campagne. Mais si, au lieu de cautériser la plaie, on évitait qu’elle advienne ? Car, l’augmentation du nombre d’arrêts maladies, ce n’est pas, à mon sens, le signe d’un laxisme médical, mais plutôt une preuve que le monde du travail n’a pas positivement évoluer et qu’il faut aujourd’hui revoir son organisation pour l’adapter aux besoins des actifs. N’oublions pas : « L’intelligence, c’est la capacité de s’adapter au changement » (Stephan Hawking).
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[1] On comprend que cette mesure vise à éviter « les arrêts de complaisance », parfois rendu possible par un détournement de la téléconsultation. Pourrait toutefois être admis que cette règle ne s’applique pas à un renouvellement réalisé en téléconsultation par le médecin traitant du patient, au surplus si le patient a été vu en présentiel au cours de la durée de l’arrêt. N’oublions pas que la téléconsultation est une consultation à part entière.