En l’espèce, lors d’une opération réalisée sous anesthésie générale, un patient se réveille, et ressent l’ensemble des actes opératoires. Le chirurgien, alerté par une hypertension artérielle, souhaite contacter le médecin anesthésiste. Or, il se rend compte qu’il est absent du bloc opératoire, qu’il est introuvable et injoignable. Par conséquent, une infirmière anesthésiste est appelée en urgence afin de remédier à la situation.
L’expertise conclut que le réveil du patient était lié à une faute de la part du médecin anesthésiste. Ce dernier ne peut en principe s’absenter du bloc opératoire que brièvement en informant les autres soignants et en s’assurant que l’anesthésie est stable. En l’espèce, les conditions n’avaient pas été respectées. Il est alors poursuivi devant le tribunal correctionnel qui le déclare coupable de blessures involontaires. Le tribunal considère qu’il a commis une violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence. Le médecin anesthésiste fait appel. La Cour d’appel de Toulouse le condamne à son tour pour blessures involontaires. Il se pourvoit en cassation.
Dans un premier temps, le médecin reproche à l’arrêt d’avoir violé l’article 6 de la ConvEDH en l’ayant privé de son droit à une défense efficiente et à un procès équitable. Il allègue le fait que l’intégralité du dossier médical ne lui a pas été communiqué. Cependant, la Cour de cassation rappelle que l’article 6 de la ConvEDH n’impose pas la communication directe du dossier médical lorsque le prévenu a pu avoir accès à l’ensemble des pièces soumises à la juridiction, et a pu en discuter contradictoirement.
Puis, l’anesthésiste reproche à l’arrêt de le déclarer coupable pour avoir violé délibérément une obligation particulière de sécurité ou de prudence alors que le code de la santé publique ne crée seulement des obligations envers les établissements de santé et non à la charge des médecins anesthésistes. C’est pourquoi, il considère que la Cour d’appel a violé l’article 222-20 du Code pénal.
La Cour d’appel retient le médecin coupable du délit de blessures involontaires car l’article D.6124-93 du CSP “met à la charge des médecins anesthésistes l’obligation de participer à l’élaboration de la programmation des interventions”. Étant responsable de l’anesthésie, il doit assurer une surveillance clinique continue. La Cour a estimé qu’en partant de la salle d’opération sans en avoir informé quelqu’un et alors qu’il savait que le patient devait faire l’objet d’une surveillance, il a violé délibérément l’obligation de prudence qui lui incombe.
La Cour de cassation valide ce raisonnement et rejette le pourvoi. Elle considère que les manquements délibérés aux obligations de prudence et de sécurité sont caractérisés.
Source : Cass., crim. 8 juin 2022, n° 21-84.643
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