En France, plus de 10 millions de personnes bénéficient du dispositif « ALD » (Affection longue durée). Mais les affections qui durent dans le temps sont en réalité bien plus répandues (20 millions selon l’Assurance maladie, soit 35% de la population couverte par le régime général).
Sans nous attacher aux causes de ces pathologies que le CESE rappelle, nous proposons une analyse des points juridiques phares recensés par le CESE.
Parmi les 20 préconisations, 5 nous intéressent en particulier.
- « Préconisation n° 7 : Accélérer le déploiement du DMP, dans le cadre du futur espace de santé numérique, pour en faire, à travers une organisation simple et lisible, un instrument de la coordination médicale, médico-sociale et sociale. Pour cela, proposer systématiquement son ouverture au moment de l’annonce de la maladie, comme un premier outil d’une relation de transparence, de confiance et d’échanges qui mettra la personne souffrant de maladie chronique en situation d’être actrice de son parcours de soin. »
En effet, il est aujourd’hui impératif de généraliser le recours au DMP, d’autant plus que les données de santé s’amoncellent au fil des ans pour les patients concernés.
Cet objectif est d’autant plus pertinent qu’il peut être réalisé tout en garantissant aujourd’hui une protection des données dites « sensibles ».
En effet, déjà, le DMP ne peut être créé que sous réserve du consentement exprès de la personne.
Ensuite, le patient peut désigner le/la ou les professionnels/professionnelles de santé qui n’auront pas accès à son DMP (ou n’auront accès qu’à certains documents).
Par ailleurs, le patient peut toujours décider à tout instant s’il consent ou non à la consultation de son DMP en situation d’urgence.
En outre, il peut procéder au masquage de certaines données.
Et il importe de préciser que chaque décision du patient en matière de DMP est toujours réversible.
Enfin, point important, la CNAM a exclu les caisses (notamment les médecins conseils) de l’accès aux données personnelles.
Néanmoins, le DMP s’entrevoit aujourd’hui dans un contexte plus large : le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé prévoit que chaque usager aura, au plus tard le 1er janvier 2022, la possibilité de créer un « espace numérique de santé » qui lui permettra notamment (mais pas seulement) d’accéder à son DMP (aux côtés d’autres informations personnalisées).
Le projet de loi prévoit que l’usager pourra décider à tout moment de la fermeture de son espace numérique de santé et précise les conditions dans lesquelles les données qui y figurent pourront être détruites.
- « Préconisation n° 10 : Progresser, en concertation avec les organisations professionnelles, dans les «pratiques avancées» dès lors qu’elles s’inscrivent dans l’objectif d’une prise en charge coordonnée des maladies chroniques […] »
Le CESE énonce à juste titre que « l’organisation d’une meilleure prise en charge sanitaire, sociale et médico-sociale des maladies chroniques impose de poursuivre la réflexion sur les périmètres d’intervention des différentes professions de santé ».
Il précise : « Ce sont les responsabilités et les compétences qu’il faut interroger, dans une perspective de valorisation des métiers ».
L’un des éléments de réponse à cette interrogation se trouve dans la loi du 26 janvier 2016 qui, avec ses textes d’application, a pu enclencher ce processus par la création du métier d’infirmier en pratique avancée (IPA).
Mais pour le CESE, cette évolution ne sera un des éléments de réponse à la problématique des maladies chroniques que si elle s’inscrit réellement « dans une logique de prise en charge globale des patientes et des patients ».
- « Préconisation n° 12 : Accélérer le déploiement de la télémédecine en l’orientant vers la prise en charge des maladies chroniques, et pour cela, donner la priorité aux objectifs de coordination des interventions, de sécurité des soins, et d’accompagnement personnalisé […] »
Le CESE relève qu’il est important d’assurer, dans la montée en puissance de la télémédecine, « une place importante au travail en équipe, autour d’un protocole définissant les principes de la collaboration et les responsabilités de chacun et chacune, en toute transparence vis-à-vis du patient ou de la patiente ».
Il évoque aussi le fait que l’élargissement des compétences n’est possible qu’au prix d’une formation renforcée et d’une valorisation.
Dans cette optique, le projet de loi de réforme de l’organisation des soins prévoit d’habiliter le gouvernement à légiférer par ordonnances en vue de « faciliter la prescription et la dispensation de soins, de produits ou de prestations par voie électronique ». Il s’agit notamment de supprimer l’obligation d’examen clinique préalable à une prestation à distance, de développer la e-prescription (déjà possible depuis 2004 dans certaines conditions mais peu utilisée en pratique), de permettre la prise en charge à distance par des professionnels non exclusivement médicaux (pharmaciens et auxiliaires médicaux : infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, ergothérapeutes…).
Pour le CESE, la télémédecine constitue « un levier important pour la qualité de la prise en charge des maladies chroniques et son élargissement va dans le bon sens ».
Il précise : « Les nouvelles technologies ouvrent des perspectives qui […] doivent être davantage utilisées, toujours en interaction avec le ou la patiente et ses proches et en garantissant indépendance et transparence dans les conditions de collecte et de recueil des données ».
Le CESE souhaite néanmoins que l’assouplissement des conditions de recours à la télémédecine soit, dans ses modalités de mise en œuvre que détermineront les textes futurs, axé vers « l’objectif d’amélioration du suivi et de la coordination des soins entre les différents professionnels et professionnelles impliqués (hôpital, ville, domicile) ».
Il évoque le fait que les malades chroniques étant, « plus que les autres, concernés par les interactions médicamenteuses dangereuses, les innovations à venir devront aussi se donner pour objectif de renforcer leur sécurité, en améliorant la circulation de l’information ».
Enfin, le CESE rappelle : « la télémédecine peut contribuer à l’éducation thérapeutique du patient ou de la patiente et contribuer à un accompagnement personnalisé plus continu. Ainsi, l’Assurance maladie a d’ores et déjà mis en place des dispositifs qui sont de nature à améliorer l’accompagnement de certains ou certaines malades chroniques. Le service Sophia a été créé en 2008 pour accompagner les personnes diabétiques (plus de 800 000 adhérentes et adhérents) ou asthmatiques (70 000 adhérentes et adhérents) à travers un service d’information à distance, un suivi téléphonique, un site de coaching en ligne, ou une application (asthme) ».
Avant de conclure :
« Pour être effectivement porteurs de progrès pour les malades chroniques, ces nouveaux outils doivent s’accompagner d’actions de formation ou de familiarisation adaptées aux contraintes des publics concernés.
Le CESE juge essentiel que les potentialités de la télémédecine puissent bénéficier à tous et toutes : son déploiement doit s’accompagner d’une action résolue en direction des publics éloignés du numérique ».
« Préconisation n° 20 : Faire le bilan de l’application et des limites de la convention AERAS (s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) afin de garantir le droit à emprunter et à s’assurer pour les patients et les patientes porteurs de maladies chroniques ».
Cette préconisation rappelle que c’est aussi « contre les contraintes, administratives, juridiques, de la vie quotidienne qu’il faut lutter ».
La convention AERAS (s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) doit faciliter l’accès au crédit et à l’assurance des personnes atteintes de maladies chroniques.
Elle prévoit :
- une meilleure information des demandeurs d’emprunt,
- un accès facilité à l’assurance invalidité,
- une plus grande transparence dans le traitement des dossiers,
- un mécanisme d’écrêtement des surprimes d’assurance,
- une médiation en cas de litiges,
- un « droit à l’oubli » pour les personnes guéries d’un cancer dont le traitement est terminé, sans rechute, depuis 10 ans au moins (ou 5 ans s’il avait été diagnostiqué avant les 18 ans). Ces personnes n’ont pas à signaler la maladie à l’assureur qui ne doit pas leur appliquer de surprime, ni les exclure de la garantie ou encore leur opposer une déchéance de garantie pour fausse déclaration du risque.
Cependant, la convention AERAS revêt limites :
- le montant d’un crédit à la consommation ne peut excéder 17 000 € ;
- celui d’un prêt immobilier ou professionnel ne peut excéder 320 000 €.
- Enfin et surtout, la liberté contractuelle demeure : l’assureur peut donc toujours refuser un contrat s’il le juge disproportionné en termes de risques.