Mme A., directrice d’un EHPAD rattaché pour sa gestion à la communauté d’agglomération, a présenté un syndrome dépressif sévère qu’elle imputait au service. Le Président de la communauté d’agglomération au sein de laquelle elle travaillait a refusé de reconnaître l’origine professionnelle de la maladie.
Le Conseil d’Etat a donc été amené à s’interroger sur les conditions de reconnaissance de l’imputabilité au service d’une maladie contractée par un fonctionnaire.
Dans un arrêt du 13 mars 2019 (n° 407795), le Conseil d’Etat pose une définition générale de la maladie professionnelle :
« Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service ».
La méthodologie est donc la suivante :
- En premier lieu, il faut rechercher l’existence d’un lien direct entre la maladie et l’exercice des fonctions ;
- En second lieu, il convient de recherche si des circonstances particulières pouvaient conduire à regarder la pathologie de l’agent comme détachable du service.
Dans le cas de Mme A, la commission de réforme avait émis un avis favorable à la reconnaissance de l’imputabilité au service de l’affection, à la suite d’un avis médical allant dans ce sens. C’est ce qui avait conduit le Tribunal administratif à considérer le syndrome dépressif comme imputable au service.
La Cour administrative d’appel avait, au contraire, écarté l’imputabilité au service estimant d’une part que l’avis médical rédigé en vue de la réunion de la commission de réforme n’était pas assorti des précisions permettant de tenir pour établi que l’état dépressif dont souffrait l’intéressée était directement lié à la dégradation de son contexte de travail. Mais d’autre part et surtout, elle constatait que Mme A. s’était engagée dans un processus d’opposition systématique à son employeur et en s’opposant à toute évolution du service. Cette attitude s’est amplifiée après une sanction dont elle a fait l’objet, au point de rendre impossible les relations de travail avec son employeur. Pour la Cour, Mme A. était donc à l’origine de l’épuisement professionnel et des conditions de travail dégradées dont elle se plaignait.
Elle avait également jugé que si l’anxiété provoquée par les procédures disciplinaires dont Mme A. avait fait l’objet avait un lien avec son activité professionnelle, elle ne pouvait pas être regardée comme une maladie professionnelle, en l’absence de volonté délibérée de l’employeur de porter atteinte aux droits et à la dignité de Mme A. ou d’altérer sa santé.
Le Conseil d’Etat censure ce deuxième point estimant que l’intention de nuire ou non à l’agent importe peu. Pour déterminer l’imputabilité, il suffit « d’apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l’absence de volonté délibérée de nuire à l’agent, être regardées comme étant directement à l’origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée ».
Confirmer purement et simplement l’arrêt de la Cour aurait fait peser sur les agents une nouvelle preuve particulièrement délicate : celle de la démonstration de la volonté de nuire de l’employeur. Cela aurait rendu quasiment impossible la reconnaissance de l’imputabilité au service de tout syndrome anxieux.
En effet, en matière de dépression, la volonté de nuire importe peu. C’est le ressenti de la personne qui subit des méthodes managériales qui ne lui sont pas adaptées qui importe.
Source : CE, 13 mars 2019, n° 407795