L’affaire du sang contaminé n’en finit pas… Encore un nouvel épisode plus de trente ans après les premières contaminations. C’est la question de la prise en charge des débours de la CPAM qui pose ici encore question. Par quel organisme doivent-ils être supportés ?
Le corpus législatif applicable :
Au cours des années 2010, dans le cadre du dossier du sang contaminé, les juridictions avaient à connaître des débats entre l’EFS, la CPAM, et les assureurs. Pour résoudre ces inextricables dossiers, le législateur est intervenu pour modifier le corpus législatif applicable, notamment dans le cadre de la LFSS pour 2013.
Dorénavant, l’indemnisation des victimes d’une contamination par le virus de l’hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang intervient au titre de la solidarité nationale. C’est donc l’ONIAM qui prend en charge l’indemnisation des victimes.
Une fois la victime indemnisée, l’ONIAM peut se tourner vers les assureurs des structures reprises par l’EFS pour demander à être garanti des sommes qu’il a versées à la victime, que le dommage soit imputable à une faute ou non.
En revanche, ni l’ONIAM ni les tiers-payeurs, c’est-à-dire les CPAM, ne peuvent exercer d’action subrogatoire contre l’EFS si l’établissement de transfusion sanguine n’est pas assuré, si sa couverture d’assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré. Ainsi, si l’EFS ne dispose plus d’une couverture assurantielle sur la période incriminée, l’ONIAM ou la CPAM ne peuvent solliciter le remboursement des sommes qu’ils ont dû verser à la victime. La preuve ou non d’une faute n’est pas requise.
Les faits :
Dans le dossier objet du présent commentaire, M. B. a été victime d’un accident en 1981 qui a justifié qu’il bénéficie d’une transfusion sanguine dans le centre hospitalier où il était pris en charge. Ayant appris en novembre 2000 sa contamination par le virus de l’hépatite C, M. B. a introduit une action indemnitaire à l’encontre de l’EFS, gestionnaire des produits sanguins ayant fourni le centre hospitalier, et du centre hospitalier. La CPAM s’est jointe à la procédure pour obtenir le remboursement des débours exposés pour le compte de M. B.
L’EFS a été condamné en première instance et en appel à rembourser la CPAM. L’EFS soutenait que les produits transfusés à M. B avaient été fabriqués par un établissement et distribués par un autre, et que ne disposant plus de couverture assurantielle pour l’établissement qui avait fabriqué le produit litigieux, la CPAM ne pouvait se tourner vers lui pour obtenir le remboursement de ses débours.
Pour le Conseil d’Etat, la responsabilité est étendue aux deux structures, productrices et distributrices, sans qu’il y ait lieu de distinguer les deux. Il en déduit que « Dans l’hypothèse où l’établissement ayant fabriqué le produit sanguin n’est pas le même que celui qui l’a distribué à l’établissement de santé qui a pratiqué la transfusion, ces deux établissements de transfusion sanguine doivent être regardés comme les fournisseurs du produit sanguin et sont, en conséquence, solidairement responsables des préjudices résultant de la contamination de ce produit. Le tiers payeur peut donc, dans cette hypothèse, exercer un recours subrogatoire contre l’EFS si l’un au moins des deux établissements remplit la condition de couverture assurantielle prévue par le dernier alinéa de l’article L. 1221-14 ».
Le Conseil d’Etat fait donc œuvre de pragmatisme en faisant peser sur les deux structures l’obligation de délivrance d’un produit sain. L’existence d’une couverture assurantielle encore valide permet à l’EFS de prendre en charge les débours puisqu’il peut être couvert par son assureur.
Source : CE, 4 février 2019, n° 412719