L’HISTOIRE :
Suite à une expertise judiciaire obtenue en référé devant un tribunal de grande instance (la requérante pensant initialement que l’origine de son infection se trouvait dans un séjour en clinique privée et non à l’hôpital public), la requérante demande au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier (CH) Bretagne Atlantique de Vannes-Auray à l’indemniser des préjudices ayant résulté pour elle d’une infection nosocomiale.
La requérante s’étant désistée en cours de procédure et après avoir admis le caractère nosocomial de l’infection, le tribunal condamne le CH à verser la somme de 40 339,60 euros à la CPAM du Morbihan et la somme de 1 206 euros à la CPAM du Lot-et-Garonne au titre des débours exposés par elles en raison de l’infection nosocomiale subie par la victime, ainsi que l’indemnité forfaitaire de gestion.
La cour administrative d’appel de Nantes a rejeté l’appel interjeté par le CH qui se pourvoit alors devant le Conseil d’Etat.
LA QUESTION :
Lorsque l’expertise judiciaire a eu lieu dans un litige distinct, l’existence d’un débat contradictoire en cours d’instance suffit-elle pour que le juge puisse valablement se fonder sur le rapport ?
LE RAISONNEMENT DU CONSEIL D’ETAT :
Le Conseil d’Etat rappelle que « le respect du caractère contradictoire de la procédure d’expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l’expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. Lorsqu’une expertise est entachée d’une méconnaissance de ce principe ou lorsqu’elle a été ordonnée dans le cadre d’un litige distinct, ses éléments peuvent néanmoins, s’ils sont soumis au débat contradictoire en cours d’instance, être régulièrement pris en compte par le juge,
- soit lorsqu’ils ont le caractère d’éléments de pur fait non contestés par les parties,
- soit à titre d’éléments d’information dès lors qu’ils sont corroborés par d’autres éléments du dossier ».
Or, en l’espèce, le CE relève que la CAA, pour juger que l’infection engageait la responsabilité du CH, a pris en compte les conclusions du rapport d’expertise qui, se bornant à renvoyer à l’opinion du sapiteur, concluait seulement : « le mécanisme le plus probable est celui d’une inoculation de dehors en dedans à partir d’une fistule interne qui se serait constituée en septembre 2008. Cette inoculation s’est révélée à un séjour hospitalier à l’hôpital d’Auray mais elle est considérée comme liée aux soins compte tenu de la nature du germe retrouvé ».
Et le CE d’en déduire : « En prenant ainsi en compte les
éléments d’un rapport d’une expertise ordonnée […] dans le cadre d’un autre
litige, qui ne constituaient ni des éléments de pur fait non contestés
par les parties ni des appréciations corroborées par d’autres éléments
du dossier, la cour administrative d’appel a, alors même que ce rapport
avait été soumis au débat contradictoire devant elle, méconnu les principes
rappelés au point 3 et commis une erreur de droit ».
LA SOLUTION EN BREF :
En conséquence, le CE annule l’arrêt attaqué et renvoie l’affaire en appel.
Le respect du contradictoire de la procédure d’expertise n’implique pas seulement, lorsque l’expertise a eu lieu dans un litige distinct, l’existence d’un débat contradictoire en cours d’instance. Il impose également une forme de régularité dans la prise en compte du rapport par le juge.