Le juge peut accorder une provision avant expertise s’il constate qu’un agissement de l’administration a été à l’origine d’un préjudice et que, dans l’attente de déterminer l’ampleur de celui-ci, il est en mesure de fixer un montant provisionnel.
L’HISTOIRE :
Le requérant demande au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier (CH) de Cannes, ou, à titre subsidiaire, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à lui verser la somme de 240 213,62 euros en réparation des préjudices qu’il estime avoir subis du fait de sa prise en charge dans cet établissement. De son côté, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) des Alpes-Maritimes demande au tribunal de condamner le CH de Cannes à lui verser la somme de 166 756,79 euros au titre des débours exposés.
En 2015, le tribunal administratif condamne le CH de Cannes à verser au requérant la somme de 75 187 euros et à la CPAM la somme de 83 378,38 euros au titre des débours et la somme de 1 028 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion.
En 2018, la cour administrative d’appel de
Marseille annule ce jugement en tant qu’il a ordonné une expertise avant dire
droit et condamné le CH à verser au requérant la somme de 72 000 euros à titre
provisionnel.
LA QUESTION :
Le juge du fond pouvait-il légalement condamner le CH au versement d’une provision d’un montant de 72 000 euros ?
LE RAISONNEMENT DU CONSEIL D’ETAT :
Le Conseil d’Etat énonce :
« Le juge du fond peut accorder une provision au
créancier qui l’a saisi d’une demande indemnitaire lorsqu’il constate qu’un
agissement de l’administration a été à l’origine d’un préjudice et que, dans
l’attente des résultats d’une expertise permettant de déterminer l’ampleur de
celui-ci, il est en mesure de fixer un montant provisionnel dont il peut
anticiper qu’il restera inférieur au montant total qui sera ultérieurement
défini ».
Or, en l’espèce, il ressort des termes mêmes de l’arrêt attaqué que la cour a jugé que le centre hospitalier avait commis un manquement à son obligation d’information et pris deux décisions fautives dans le choix de la technique opératoires et que ces fautes avaient été, au moins partiellement, à l’origine des préjudices du patient.
Et le CE de conclure :
« En se prononçant ainsi sur l’existence d’un lien de causalité entre les agissements du service public hospitalier et les préjudices subis par la victime, la cour, qui n’était pas tenue, pour fixer le montant d’une indemnité provisionnelle, de préciser les liens entre les faits fautifs et chacun des postes du préjudice invoqué par la victime, a suffisamment motivé son arrêt ».
Enfin, le Conseil d’Etat précise que la détermination du montant de la provision relève de l’appréciation souveraine du juge du fond.
En conséquence, le CE déboute le CH de sa demande d’annulation de l’arrêt d’appel.
LA SOLUTION EN BREF :
Le juge du fond peut accorder une provision (dont il apprécie souverainement le montant) au créancier qui l’a saisi d’une demande indemnitaire lorsqu’il constate qu’un agissement de l’administration a été à l’origine d’un préjudice et que, dans l’attente des résultats d’une expertise permettant de déterminer l’ampleur de celui-ci, il est en mesure de fixer un montant provisionnel dont il peut anticiper qu’il restera inférieur au montant total qui sera ultérieurement défini.