Un arrêt intéressant a été rendu par le Conseil d’Etat en matière de droit disciplinaire, qui mérite que l’on s’y penche en ce qu’il a une incidence stratégique en matière de gestion des recours des agents.
Les faits : M. A., brigadier-chef, responsable de la brigade canine de la police municipale de Bussy-Saint-Georges, s’est vu infliger une sanction d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans. Il a formé un recours devant le juge des référés de Melun, qui a prononcé la suspension de cet arrêté, retenant le doute quant au caractère disproportionné. Par la suite, le maire a pris un nouvel arrêté l’excluant temporairement de ses fonctions pour dix-huit mois. Cette décision est de nouveau contestée par M. A. qui en obtient la suspension par le juge administratif, le juge estimant que la reprise d’une sanction méconnait le caractère exécutoire et obligatoire de la précédente ordonnance. La commune se pourvoit en cassation contre l’ordonnance suspendant l’exécution de cette seconde décision.
La question posée : L’administration pouvait-elle reprendre une nouvelle décision de sanction alors que cette décision a été suspendue par le juge des référés ?
La réponse du Conseil d’Etat : Le Conseil d’Etat rappelle que quand bien même les décisions du juge des référés ont un caractère provisoire et donc, n’ont pas l’autorité de la chose jugée au principal (c’est-à-dire sur le fond du litige), il n’en demeure pas moins qu’elles sont exécutoires et obligatoires. Par conséquent, « lorsque le juge des référés a prononcé la suspension d’une décision administrative et qu’il n’a pas été mis fin à cette suspension, l’administration ne saurait légalement reprendre une même décision sans qu’il ait été remédié au vice que le juge des référés avait pris en considération pour prononcer la suspension ».
En d’autres termes, l’administration ne peut reprendre une même décision que s’il fait application des enseignements de l’ordonnance de référé.
En l’espèce, l’administration a pris une sanction plus faible que la précédente. Le Conseil d’Etat estime alors que cette seconde sanction « plus faible que la précédente, ne peut être regardée comme la reprise de la sanction que le juge des référés avait suspendue en relevant son caractère disproportionné. Dès lors, le juge des référés a commis une erreur de droit en suspendant l’exécution de ce second arrêté au motif que le maire de Bussy-Saint-Georges avait méconnu le caractère exécutoire et obligatoire qui s’attachait à la précédente ordonnance ».
Source : CE, 5 juillet 2021, n° 442625