Dans un arrêt du 11 novembre 2021, la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur la question délicate du temps de travail des soldats du feu. Un arrêt à prendre en considération pour apprécier la notion d’astreinte des professionnels de santé des établissements de soins.
La problématique : En l’espèce, un pompier réserviste employé par la ville de Dublin soutenait que les heures de garde effectuées pour le compte de la ville constituent du temps de travail, en relevant notamment qu’au cours de ces périodes, il est censé répondre aux appels dans un délai maximal de dix minutes.
La méthodologie : Pour déterminer si une période de garde sous régime d’astreinte d’un sapeur-pompier volontaire constitue du temps de travail au sens de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, le juge national doit réaliser une appréciation globale de l’ensemble des circonstances de l’espèce. Ainsi :
- Le fait que le sapeur-pompier exerce, avec l’accord de son employeur, une autre activité professionnelle pourrait faire pencher la balance vers la notion de temps de repos.
- En revanche, lorsqu’une garde est obligatoirement effectuée à domicile avec obligation d’intervenir dans les huit minutes, il s’agit de temps de travail (CJUE 21 févr. 2018, aff. C-518/15, Ville de Nivelles c/ Matzak)
En l’espèce, M. G. n’était astreint à se trouver en aucun lieu particulier et exerçait, par ailleurs, l’activité de chauffeur de taxi. La Cour relève que « les circonstances que M. G. ne doit, à aucun moment, se trouver dans un lieu précis pendant ses périodes de garde sous régime d’astreinte, qu’il n’est pas tenu de participer à l’ensemble des interventions assurées à partir de sa caserne d’affectation, un quart de ces interventions pouvant en l’occurrence avoir lieu en son absence, et qu’il lui est permis d’exercer une autre activité professionnelle n’excédant pas 48 heures hebdomadaires en moyenne, pourraient constituer des éléments objectifs permettant de considérer qu’il est en mesure de développer, selon ses propres intérêts, cette autre activité professionnelle pendant ces périodes et d’y consacrer une partie considérable du temps de celles-ci, à moins que la fréquence moyenne des appels d’urgence et la durée moyenne des interventions n’empêchent l’exercice effectif d’une activité professionnelle susceptible ».
En d’autres termes, c’est la disponibilité complète qui vient définir l’astreinte. Une décision à rapprocher de celles concernant les soignants et qui corroborent la position du Conseil d’Etat en la matière.
Source : CJUE, 11 nov. 2021, n° C-214/20