En l’espèce, une femme a subi une intervention chirurgicale au cours de laquelle son nerf génito-fémoral a été atteint par accident. Après expertise médicale, il apparaît que des fautes ont été commises par le praticien avant l’opération, à savoir un diagnostic erroné et la pose inutile d’une plaque qui a augmenté le risque d’occurrence de l’accident médical non fautif.
Il faut savoir que les dommages subis lors d’un accident médical non fautif (AMNF) ne sont en principe pas imputables au médecin et ne sont donc pas éligibles à une indemnisation complémentaire, notamment au regard de l’article L1142 du Code de la santé publique qui dispose que les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de soins qu’en cas de faute.
Pourtant la Cour d’appel a condamné l’ONIAM à réparer les conséquences de cet AMNF au titre de la perte de chance qui résulte des fautes préalables du chirurgien, qui ont elles-mêmes entraîné une augmentation du risque de survenue de l’accident. L’ONIAM a alors formé un pourvoi en cassation pour contester cette décision.
La victime ici sera de toute manière indemnisée pour les dommages corporels, mais la question est de savoir si le préjudice lié à la perte de chance peut être assujetti à une indemnisation complémentaire de l’ONIAM, alors que le dommage provient d’un AMNF. La Cour de cassation répond par la positive et rejette le pourvoi.
Le raisonnement de la Cour repose ici sur le fait que l’indemnisation d’un accident médical est basé sur le principe de solidarité nationale, mais ce principe a un caractère subsidiaire et ne saurait être applicable lorsqu’on est en présence d’une faute du médecin. De plus, l’indemnisation de la perte de chance n’est pas quelque chose de nouveau: un arrêt antérieur était déjà venu consacrer la perte de chance de refuser l’intervention dans le cadre d’un défaut d’information (Cass. 1ère Civ. 11 mars 2010, n° 09-11.270). Dans cet arrêt le juge va encore plus loin et s’aligne sur la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE, 15 octobre 2021, n° 431291) en admettant la possibilité pour la victime d’obtenir l’indemnisation du reliquat de son préjudice en cas de perte de chance lorsqu’une faute est venue augmenter les risques de survenue de l’AMNF.
Ce faisant, la Cour vient non seulement élargir l’interprétation de l’article L1142-1 du Code de la santé publique de manière plus favorable pour la victime, mais consacre aussi un régime de protection transcendant les juridictions pour s’aligner au mieux sur le caractère transversal du droit de la santé.
Source : Cour de cassation, 2e chambre civile, 24 avril 2024, n° 23-11.059
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