L’arrêt Perruche du 17 novembre 2000 s’impose comme une décision emblématique, en ce qu’il a reconnu à un enfant né avec un handicap, consécutif à une erreur de diagnostic prénatal, le droit d’obtenir réparation de son préjudice. Toutefois, la loi Kouchner du 4 mars 2002, dite “Loi Anti-Perruche”, est venue rompre avec cette jurisprudence en posant, en son article 1er, le principe selon lequel “nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance” aux fins d’indemnisation.
Cette disposition a ainsi mis un terme à l’indemnisation des enfants handicapés fondée exclusivement sur leur naissance avec un handicap, réduisant de manière significative les possibilités de réparation pour leurs parents.
Dès lors, une interrogation demeure : à quels enfants handicapés cette jurisprudence continue-t-elle de s’appliquer aujourd’hui ?
S’agissant de son application dans le temps, plusieurs décisions émanant des hautes juridictions nationales ainsi que de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) sont venues en préciser les contours. L’arrêt du 3 février 2022, revêtant une importance particulière, a conduit à la condamnation de la France par la CEDH, cette dernière sanctionnant l’application rétroactive de la loi du 4 mars 2002.
Désormais codifiée à l’article L. 114-5 du Code de l’action sociale et des familles, cette décision rappelle que la loi Anti-Perruche ne saurait s’appliquer aux enfants nés avant le 7 mars 2002, date de son entrée en vigueur. Elle précise en outre que, même si l’action en indemnisation a été introduite postérieurement à cette date, la jurisprudence Perruche demeure applicable dès lors que la naissance est intervenue avant le 7 mars 2002.
En synthèse :
- Pour les enfants nés après le 7 mars 2002 : La loi Kouchner s’applique pleinement, excluant toute indemnisation fondée sur la seule naissance avec un handicap.
- Pour les enfants nés avant le 7 mars 2002 et dont les procédures sont en cours : La jurisprudence Perruche reste applicable, écartant ainsi l’application de la loi nouvelle (CEDH, 6 oct. 2005, Draon et Maurice ; Civ. 1, 24 janv. 2006 ; CE, 24 févr. 2006). Ces enfants peuvent donc prétendre à une indemnisation en raison d’un défaut de diagnostic.
- Pour les enfants nés avant le 7 mars 2002 mais dont l’action a été engagée après cette date : La jurisprudence Perruche continue de s’appliquer, permettant également une réparation en cas de diagnostic erroné.
Dans ces conditions, il n’est pas exclu que des contentieux fondés sur la jurisprudence Perruche puissent encore être portés devant les juridictions jusqu’en 2032 au minimum, compte tenu de l’interdiction de toute application rétroactive, du report du délai de prescription jusqu’à la majorité de l’enfant et de la nécessité d’attendre la consolidation de son préjudice.
Sources : CEDH, 3 février 2022, n°66328/14
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