La médiation est un processus structuré par des principes : indépendance, neutralité, impartialité, confidentialité. Chacun d’eux contribue à la valeur intrinsèque de la médiation, à son bon fonctionnement, ainsi qu’à la confiance que les parties accordent à ce mode de gestion des conflits.
Le principe de confidentialité désigne le secret qui lie le détenteur d’une information, l’empêchant de la transmettre à des tiers. En médiation, la confidentialité signifie que tout ce qui se dit, tout ce qui est écrit ou produit en médiation est confidentiel. Elle prend deux formes :
- Le principe de confidentialité s’applique entre le médiateur et chacune des parties, prises séparément. Ce qu’une partie révèle au médiateur, celui-ci n’a pas le droit de le divulguer à l’autre partie.
- Le principe de confidentialité s’étend à l’ensemble des acteurs de la médiation (parties et médiateur) vis-à-vis de tous les tiers extérieurs. La médiation constitue une bulle au sein de laquelle les acteurs de la médiation partagent des informations sans que les personnes à l’extérieur de cette bulle ne puissent avoir accès à ces informations. Ce principe s’applique à tout ce qui se dit au cours de la médiation, mais aussi, tout ce que l’on montre ou tout ce que l’on écrit.
La confidentialité encourage une parole sincère et libre, à l’inverse d’une action judiciaire. En effet, devant un tribunal, « tout ce qui est dit peut être retenu contre soi ». Dès lors, les parties peuvent être tentées d’en dire le moins possible, de garder le secret sur des informations qui pourraient les desservir (par crainte de sanction ou de perdre le procès).
Ce pilier du processus de médiation doit être respecté tout au long du processus. Mais, il trouve également à s’appliquer au recours contentieux si la médiation n’a pas fonctionné.
La confidentialité n’est levée que dans trois cas :
- Si les parties se mettent d’accord pour ne pas soumettre leurs échanges en médiation à la confidentialité ;
- En présence de raisons impérieuses d’ordre public ou de motifs liés à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ou à l’intégrité physique ou psychologique de la personne ;
- Lorsque la révélation de l’existence ou la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre ou son exécution (comme ça peut être le cas lors d’une demande d’homologation de l’accord de médiation par le juge).
Dans un arrêt du 9 juin 2022, la Cour de cassation a rappelé l’ensemble de ses principes et indiquent le sort des informations dévoilées en méconnaissance du principe de confidentialité.
Dans cette affaire, M. R. se plaignait de la mauvaise exécution d’un contrat de location de véhicule conclu avec une société. Une médiation a été engagée mais n’a pas abouti. Il a donc assigné la société en justice, en réparation de ses préjudices matériel et moral. Au soutien de son assignation, M. R. a produit différentes pièces relatives à la procédure de médiation.
La Cour de cassation rappelle que « sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance judiciaire ou arbitrale sans l’accord des parties. Il est fait exception aux alinéas précédents dans les deux cas suivants :
a) En présence de raisons impérieuses d’ordre public ou de motifs liés à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ou à l’intégrité physique ou psychologique de la personne ;
b) Lorsque la révélation de l’existence ou la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre ou son exécution.
Lorsque le médiateur est désigné par un juge, il informe ce dernier de ce que les parties sont ou non parvenues à un accord ».
La Cour de cassation en déduit que, si au cours d’une procédure judiciaire, une partie produit des pièces obtenues en médiation, ces informations doivent être écartées des débats. Elle ne va pas jusqu’à soutenir que la déclaration d’appel est nulle, comme le sollicitait à titre principal la société. Cette jurisprudence ne pourra qu’être étendue aux informations recueillies dans le cadre de la médiation.
Ainsi, la Cour de cassation limite la portée de la violation du principe de confidentialité pour, à mon sens, en préserver l’intégrité. En effet, comme le faisait la société, on pouvait considérer que la violation du principe de confidentialité est une faute justifiant une indemnisation. Mais, en limitant la portée de cette violation, la Cour de cassation rétablit la confidentialité car l’action indemnitaire aurait nécessairement conduit à ce que l’ensemble des parties justifie que les informations produites étaient couvertes par la confidentialité, et partant, à la briser…
En revanche, si la violation du principe de confidentialité était le fait du médiateur, la question resterait entière car il s’agirait ici d’une faute professionnelle et déontologique.
Cass. civ. 2, 9 juin 2022, n° 19-21.798 (publié au Bulletin)