Dans un arrêt du 24 juillet 2019, le Conseil d’Etat confirme que le Conseil de l’Ordre des chirurgiens-dentistes ne peut pas confondre demande d’ouverture d’un cabinet secondaire et demande de cumul d’exercice. Implicitement, il confirme qu’aucune disposition du code de santé publique n’interdit à un chirurgien-dentiste d’exercer en qualité d’associé au sein de deux SEL.
Depuis toujours, le Conseil National de l’Ordre des Chirurgiens-dentistes refuse d’agréer les demandes d’exercice en SEL lorsque le chirurgien-dentiste exerce déjà à titre individuel ou en SEL. Pour ce faire, le Conseil National se fonde sur les dispositions de l’article R.4113-24 CSP qui dispose que « Les membres d’une société d’exercice libéral de chirurgiens-dentistes ont une résidence professionnelle commune. Toutefois, la société peut être autorisée par le conseil départemental de l’ordre à exercer dans un ou plusieurs cabinets secondaires si la satisfaction des besoins des malades l’exige et à la condition que la situation des cabinets secondaires par rapport au cabinet principal ainsi que l’organisation des soins dans ces cabinets permettent de répondre aux urgences. Pendant un an au maximum, la société peut en outre exercer dans le cabinet où exerçait un associé lors de son entrée dans la société, lorsqu’aucun chirurgien-dentiste n’exerce dans cette localité ».
Ainsi, pour le Conseil National, demander à exercer en qualité d’associé au sein de deux structures revient donc à demander l’ouverture d’un cabinet secondaire. Il refuse dès lors d’agréer les demandes de cumul qui lui sont présentées, sauf s’il est démontré qu’elles répondent aux exigences posées pour l’ouverture d’un cabinet secondaire.
C’est ce raisonnement qui a été appliqué à l’encontre d’une demande d’un chirurgien-dentiste souhaitant cumuler deux exercices en SEL en tant qu’associé. Pour soutenir sa position, le chirurgien-dentiste rappelait que le code de santé public autorise un chirurgien-dentiste à avoir deux exercices professionnels, sous quelque forme que ce soit : « L’article R. 4127-272 permet au chirurgien-dentiste exerçant à titre libéral d’avoir deux exercices professionnels, quelle qu’en soit la forme et ce sans faire obstacle aux règles relatives notamment au lieu d’exercice des sociétés d’exercice libéral. ». Il soulignait ensuite qu’il n’existait dans le code aucune disposition propre aux SEL ayant pour objet de restreindre ce cumul, à l’instar de ce qui a été fait pour les médecins (l’article 3 du décret n°94-680 du 3 août 1994 interdit expressément le cumul entre un exercice individuel et un exercice en SEL) ou les sages-femmes (l’article 3 du décret n°92-739 du 29 juillet 1992 interdit expressément le cumul entre un exercice individuel et un exercice en SEL). Il rappelait enfin que le Ministère de la Santé avait déjà condamné la position de l’Ordre des chirurgiens-dentistes, concernant une demande de cumul d’exercice individuel et en SEL[1].
Saisi de la question, le Conseil d’Etat[2] prend parti en faveur du raisonnement retenu par le chirurgien-dentiste. Il suspend ainsi la décision de refus opposée par l’Ordre, estimant qu’il existe un doute sur sa légalité. Ainsi, il estime que le Conseil national ne peut pas opposer les dispositions relatives à l’ouverture d’un cabinet secondaire à une demande de cumul d’exercice.
Et pour cause, ça n’est pas la même chose ! En matière de cumul, c’est le chirurgien-dentiste exerçant dans une SEL qui demande à exercer dans une autre. Or, pour ouvrir un cabinet secondaire, seule la SEL, entité autorisée à exercer la profession, pourrait faire une telle demande et non le chirurgien-dentiste à titre individuel. Le cabinet secondaire est donc une entité rattachée à la SEL principale, ce qui n’est pas le cas du cumul puisque les SEL n’ont aucun lien juridique entre elles. Ainsi, saisi d’une demande de cumul, le Conseil national de l’ordre doit l’apprécier au regard des dispositions propres au cumul (2 exercices maximum), sans que les dispositions propres aux SEL ne posent de limites particulières.
En
conséquence, un chirurgien-dentiste peut cumuler un exercice individuel et un
exercice en SEL ou deux exercices en SEL en étant associé des deux structures.
Dans ce cas, le Conseil de l’ordre ne peut qu’enregistrer ce cumul sous réserve
qu’il soit bien limité à 2.
[1] Question n° 6162 posée par JP BACQUET et réponse ministérielle du 16 juillet 2013 à
[2] CE, 24 juillet 2019, req. n° 424361