La réparation d’un dommage corporel doit être intégrale. Ainsi, la victime ne peut pas recevoir moins que le dommage subi… et pas plus non plus ! Que se passe-t-il lorsque la victime a été indemnisée par le juge judiciaire ? Pour le juge administratif, il y a lieu de déduire cette somme, non poste par poste, mais globalement.
Victime d’une blessure au doigt, M. B. a été soigné par un médecin libéral. La douleur restant persistante, il s’est présenté aux urgences d’un centre hospitalier où un traitement antibiotique lui a été prescrit. Un mois plus tard, une rupture du fléchisseur commun profond de l’auriculaire a été mise en évidence, nécessitant une intervention chirurgicale. L’intervention a été réalisée en clinique privée.
A l’issue d’une procédure indemnitaire, le médecin libéral et son assureur ont été condamnés solidairement à réparer les préjudices de M. B. Une action à l’encontre du centre hospitalier a été introduite.
En effet, aux termes du rapport d’expertise, lors de sa prise en charge au service des urgences du centre hospitalier, M. B. n’a pas bénéficié du diagnostic des lésions profondes de son auriculaire blessé qui s’imposait au regard de son tableau clinique. Il y a donc une faute de l’établissement de santé qui a privé M. B d’une suture tendineuse permettant une récupération du tendon fléchisseur, laquelle n’a pu être réalisée lors de l’intervention ultérieure à la clinique. Il résulte du rapport d’expertise qu’une suture tendineuse en première intention aurait avec certitude amélioré l’état de santé de M. B. Dès lors, l’absence de diagnostic et de prise en charge adéquate au centre hospitalier doit être regardée comme étant à l’origine directe et certaine des séquelles de M. B. L’indemnisation s’impose et doit s’imbriquer avec l’indemnisation accordée par le juge judiciaire, au titre des fautes reconnues à l’encontre du médecin libéral.
En l’espèce, il apparaissait que la faute du centre hospitalier était à l’origine de l’entier préjudice. Pour autant, la faute du médecin généraliste, identique à celle du centre hospitalier, n’avait été reconnu qu’à l’origine de la moitié du préjudice subi par M. B. Le centre hospitalier entendait se servir de ce jugement pour limiter l’indemnisation à la moitié du préjudice subi.
Le tribunal administratif rappelle que seul le juge administratif peut déterminer l’étendue de la responsabilité du centre hospitalier, sans que le jugement judiciaire ne puisse interférer : « la nature et l’étendue des réparations incombant à une collectivité publique du chef d’un accident dont la responsabilité lui est imputée, ne dépendent pas de l’évaluation du dommage faite par l’autorité judiciaire dans un litige où elle n’a pas été partie et n’aurait pu l’être mais doivent être déterminées par le juge administratif, compte tenu des règles afférentes à la responsabilité des personnes morales de droit public ».
Le jugement judiciaire ne pourra être opposé qu’en tant qu’il ne doit pas permettre à la victime d’obtenir une réparation supérieure au montant total du préjudice subi : « il appartient au juge administratif de prendre, en déterminant la qualité et la forme de l’indemnité par lui allouée, les mesures nécessaires en vue d’empêcher que sa décision n’ait pour effet de procurer à la victime, par suite des indemnités qu’elle a pu ou qu’elle peut obtenir devant d’autres juridictions à raison des conséquences dommageables du même accident, une réparation supérieure au montant total du préjudice subi ».
En l’espèce, la décision se comprend. Dans un cabinet libéral, le médecin ne dispose pas des mêmes moyens d’investigation qu’un centre hospitalier. Son erreur de diagnostic peut donc être considéré comme moindre au regard des moyens dont il dispose. Pour autant, il ne faut pas que la victime obtienne une indemnisation plus importante que son préjudice. Seul le juge peut donc appréhender l’imbrication des deux procédures et ses incidences en terme d’indemnisation.
Source : TA de Nîmes, 30 octobre 2018, n° 1603442