Depuis quelques années, la profession infirmier est fortement contrôlée par l’assurance maladie. Dans l’arrêt commenté, c’est la facturation des majorations de soins de nuit qui est visée. Le Conseil d’Etat rappelle que la majoration pour soins de nuit ne peut être perçue que si la prescription médicale indique la nécessité impérieuse d’une exécution de nuit.
A la suite d’un contrôle sur l’activité d’un infirmier libéral entre le 1er janvier 2012 et le 31 août 2013, la caisse primaire d’assurance maladie de Gironde a relevé diverses anomalies. Notamment, la caisse estimait que l’infirmier avait facturer à tort 316 majorations pour soins de nuit pour la même patiente.
Elle a donc saisi la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l’ordre des infirmiers d’Aquitaine.
Par une décision du 1er avril 2016, cette juridiction a condamné l’intéressé à reverser à la caisse primaire la somme de 25 168,11 € et lui a infligé la sanction d’interdiction de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de trois mois, dont deux mois avec sursis. Sur l’appel de ce dernier, la section des assurances sociales du Conseil national de l’ordre des infirmiers a porté la somme à 28 059,51 € et la durée de sa suspension à quatre mois, dont deux mois avec sursis. L’infirmier condamné a saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi contre cette décision.
Pour sanctionner la facturation de 316 majorations pour soins de nuit pour la même patiente, « la section des assurances sociales, après avoir cité les dispositions du B de l’article 14 de la nomenclature générale des actes professionnels, selon lesquelles les majorations pour soins dispensés entre 20 heures et 8 heures ne peuvent être perçues que si la prescription du médecin indique la nécessité impérieuse d’une exécution de nuit, a constaté que, si elles indiquaient que les soins devaient être dispensés à domicile «le matin avant 8 heures», les prescriptions produites par M. A. ne mentionnaient pas une nécessité impérieuse ». En se prononçant par ces motifs, le Conseil d’Etat estime que la section des assurances sociales de l’ordre des infirmiers n’a pas commis d’erreur de droit. La sanction prononcée à l’encontre de l’infirmier est donc confirmée.
Cette décision est particulièrement lourde pour la profession et, en pratique, très critiquable.
En effet, la condamnation de l’infirmier aurait été justifiée si la prescription médicale était muette sur l’heure de réalisation des soins, et que les soins avaient été réalisés tôt dans la matinée pour arranger le patient.
Mais dans le dossier présenté, et au regard de la pratique, il est clair que si le médecin a indiqué que les soins devaient être fait avant 8h, ce n’est certainement pas sans raison. A mon sens, l’impérieuse nécessité se déduisait donc du simple fait de prévoir la régularité des soins, avant une certaine heure.
Pour autant, le Conseil d’Etat demande que cela soit explicite : la prescription médicale doit indiquer la nécessité absolue de réaliser les soins de nuit. A partir du moment où l’acte est réalisé avant 8h, sur prescription médicale, mais sans précision d’une nécessité absolue, la majoration de nuit ne devrait pas être facturée, quand bien même la NGAP précise que les actes réalisés de 19h à 8h sont des actes de nuit.
Cette nouvelle décision est fortement pénalisante pour la profession, puisque, à défaut de précision de la prescription médicale, l’infirmier ne peut pas facturer la majoration. Mais, ne pensez même pas à réaliser l’acte après 8h, sauf à engager votre responsabilité professionnelle…
Source : CE, 26 juillet 2018, n° 409631