Dans le cadre d’un arrêt du 29 mai 2019 (n° 428080), le Conseil d’Etat était interrogé sur le fait de savoir s’il existait un principe général du droit obligeant l’employeur public à rémunérer un fonctionnaire investi, pour assurer le fonctionnement normal du service, de tâches excédant son statut dont l’exécution exige de surcroît l’acquisition de compétences supplémentaires. Il répond par la négative.
LES FAITS : Une infirmière anesthésiste relevant de la fonction publique hospitalière pratiquait des actes médicaux dans le cadre d’une délégation de tâches protocolisée. Elle ne percevait aucune rémunération spécifique pour ces tâches particulières. L’infirmière estimait qu’il découlait du principe de rémunération après service fait (article 77 de la loi du 9 janvier 1986 constituant le statut de la fonction publique hospitalière et article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant statut de la fonction publique), un principe général lui permettant d’être rémunérée de ces tâches particulières. Avant de statuer sur sa demande, le Tribunal administratif de Lyon a saisi le Conseil d’Etat d’une question préjudicielle.
L’ANALYSE : Pour le Conseil d’Etat, le fonctionnaire a droit à une rémunération comprenant le traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou règlementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que des résultats collectifs des services. Le Conseil d’Etat en déduit qu’un agent titulaire de la fonction publique hospitalière ne peut prétendre, au titre de la rémunération qui lui est versée à raison de l’emploi qu’il occupe (et donc, pour les tâches qui relèvent de son champ de compétences), à d’autres indemnités que celles qui sont instituées par un texte législatif ou réglementaire. Il en est de même des dispositions propres à la coopération entre professionnels et à la délégation de tâche (articles L. 4011-1 et suivants du code de santé publique) qui n’institue pas, de manière spécifique l’accomplissement, par un infirmier anesthésiste, d’actes de soins qui lui ont été transférés dans le cadre d’un protocole de coopération.
QU’EN DEDUIRE ? Faut-il déduire de cet arrêt que les délégations de tâches ne seront plus rémunérées, ce qui pourrait en limiter l’expansion ? Non. Le Conseil d’Etat dit simplement que, dans le cadre de la fonction publique hospitalière, il n’existe pas de principe général qui justifierait le paiement d’une délégation de tâche. En d’autres termes, le paiement des tâches accomplies n’est pas une obligation. Cela ne remet pas en cause le principe posé par l’article L. 4011-2 du code de santé publique selon lequel « Lorsque leur mise en œuvre implique un financement dérogatoire, ces protocoles sont accompagnés d’un modèle économique précisant notamment les modalités de financement et de rémunération des actes et prestations réalisés. Ce modèle économique est établi avec l’appui de l’agence régionale de santé. Son contenu est précisé par arrêté du ministre chargé de la santé ». Il est donc tout à fait possible de prévoir une rémunération dans le cadre du protocole mais elle a un caractère dérogatoire et doit donc être prévue par écrit et validée.