LES FAITS : Un médecin ophtalmologue libéral pratiquait actes de chirurgie de la cataracte en cabinet médical privé. Il a reçu deux mises en demeure de cesser cette activité, adressées par l’ARS, que le médecin a contesté. A la suite d’un signalement de l’ARS, il a été poursuivi du chef d’ouverture ou gestion d’un établissement de santé privé, sans l’autorisation prévue par l’article R. 6122-25 du code de la santé publique.
LA PROCEDURE : En application de l’article L. 6125-1 du code de la santé publique, le professionnel s’est fait condamner par le tribunal correctionnel à 20 000 € d’amende puis par les juges de la cour d’appel qui confirmaient le jugement sur la culpabilité de l’ophtalmologue et prononçaient une peine plus sévère portant le montant de l’amende à 30 000 €, outre les intérêts civils. Le professionnel élevait alors un pourvoi en cassation.
LE RAISONNEMENT : Le professionnel de santé invoquait deux motifs :
- En premier lieu, l’infraction visée par l’article L. 6125-1 du code de la santé publique suppose que la structure dispensant des soins, soit « un établissement de santé » au sens de l’article L. 6111-1 dudit code. Il estimant que son cabinet libéral privé ne répondait pas aux critères posés.
- Dans la stricte lignée des jurisprudences administratives et pénales antérieures, la Cour de cassation rappelle que la définition d’un établissement de santé s’appuie sur une conception fonctionnelle, « à savoir un établissement, ce qui suppose une certaine structure, qui assure les examens de diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, avec ou sans hébergement, de courte ou longue durée, de suite et de réadaptation S’agissant du premier argument invoqué par le demandeur au pourvoi, relatif à la nécessité de qualifier son cabinet médical en « établissement de santé », en application de l’article L. 6111-1 du code de la santé publique. Constitue par un exemple un établissement de santé un cabinet médical dans lequel sont pratiquées des endoscopies digestives (TA Pau, 8 févr. 1996, Drs Lefèbvre et a., n° 94-1083), ou encore un cabinet de médecine de ville comportant une unité de chimiothérapie ou pratiquant une activité de chirurgie ambulatoire (CAA Marseille, 30 mars 1999, n° 96MA10647). L’argument du professionnel est écarté.
- En second lieu, l’opération de la cataracte ne constituait pas un acte de chirurgie soumis à autorisation de l’ARS au sens de l’article R. 6122-25 du code de la santé publique, à savoir qu’un acte de nature chirurgicale se détermine selon sa nature et sa technicité, puisque, selon le demandeur au pourvoi, cet acte a une « faible technicité », n’inclut pas d’anesthésie autre que topique et n’impose pas d’hospitalisation ou de surveillance postopératoire.
- La question ainsi posée était : Une opération de la cataracte constitue-t-elle un acte de chirurgie devant être pratiqué dans un établissement soumis à autorisation délivrée par l’ARS ?
Pour la Cour de cassation, une opération de la cataracte constitue un acte chirurgical et doit, de ce fait, être réalisée dans un établissement ayant été autorisé (« la chirurgie de la cataracte est une véritable activité chirurgicale qui, selon la réglementation en vigueur, relève d’une activité pratiquée en établissement de santé »). Cette position s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence du Conseil d’Etat qui a récemment rappelé que les actes chirurgicaux « peuvent être pratiqués dans le cadre d’une activité alternative à l’hospitalisation, au sein de structures qui ne sont pas nécessairement des établissements de santé, à la condition toutefois que cette activité ait été autorisée par l’agence régionale de santé (ARS) et satisfasse aux conditions précisées notamment par les articles D. 6124-301-1 et suivants du code de la santé publique » (CE 22 juill. 2020).
CE QU’IL FAUT RETENIR : Il ressort de l’article L. 6122-1 et suivants du code de la santé publique que les actes chirurgicaux nécessitant une anesthésie au sens de l’article D. 6124-94 du même code ou le recours à un acte opératoire, sont soumis à autorisation, à la différence des autres prestations délivrées lors des consultations.
Source : Crim. 16 févr. 2021, FP-B+I, n° 19-87.982