Récemment, le Conseil d’Etat a rappelé qu’un conflit d’ordre privé ne permet pas de justifier d’un intérêt à saisir le conseil de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes. Lumière sur cet arrêt transposable aux autres ordres professionnels.
M. B. a porté plainte contre M. C. devant la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de Bretagne de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes, en raison des soins que ce dernier avait délivrés à une patiente qui était, à l’époque, la compagne de M. B. La chambre disciplinaire de première instance a rejeté sa plainte, suivie par la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes. M. B. s’est alors pourvu en cassation.
Rappelant les dispositions de l’article R. 4126-1 du code de la santé publique, rendues applicables aux masseurs-kinésithérapeutes par l’article R. 4323-3 du même code, le Conseil d’Etat précise qu’au sens de ces dispositions, « n’ont qualité pour introduire, par une plainte portée devant le conseil départemental de l’ordre et transmise par celui-ci au juge disciplinaire, une action disciplinaire à l’encontre d’un masseur-kinésithérapeute, que les personnes qu’elles désignent expressément ainsi que celles qui sont lésées de manière suffisamment directe et certaine par le manquement d’un masseur-kinésithérapeute à ses obligations déontologiques ».
Pour justifier de sa qualité à porter plainte contre un masseur-kinésithérapeute devant la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de Bretagne de l’ordre, le requérant soutenait :
- qu’il agissait en défense des intérêts de son ancienne compagne, sur laquelle le praticien exercerait une emprise psychologique par le biais d’une technique de soin ;
- qu’en nouant une relation sentimentale avec celle-ci, le praticien a provoqué leur séparation.
Le Conseil d’Etat rejette les deux moyens du pourvoi.
Sur le premier moyen, le Conseil d’Etat constate que le requérant n’apporte pas d’éléments au soutien de ses allégations sur l’existence d’une situation d’emprise psychologique, d’éléments de nature à leur conférer, en l’espèce, une vraisemblance suffisante pour justifier qu’il ait qualité pour introduire une plainte contre ce praticien.
Mais surtout, le Conseil d’Etat pose le principe selon lequel le conflit d’ordre privé invoqué par M. B. n’est pas non plus de nature à lui conférer un intérêt à porter plainte contre M. C. devant la juridiction disciplinaire de son ordre.
Ainsi, un conflit d’ordre privé ne saurait conduire à saisir la chambre disciplinaire. Par ce rappel, on évite un dévoiement de la procédure avec une lecture extensive des conditions de saisine.
Source : CE, 6 mai 2021 n° 429075