Dans une décision du 27 décembre 2021, le Conseil d’Etat a rappelé les modalités d’indemnisation de la victime en cas de cumul de fautes.
Les faits : Mme G. avait été victime d’un accident de la circulation. Souffrant de diverses fractures et lésions des membres inférieurs, elle a été prise en charge dans un centre hospitalier. Toutefois, l’opération de réduction des fractures a été remise au lendemain et, victime d’une embolie graisseuse dans la nuit, elle a été plongée dans le coma et conserve de graves séquelles neurologiques. Les séquelles de Mme G. proviennent d’une double origine : l’accident de la circulation et la prise en charge médicale.
Le juge judiciaire a condamné l’autre conducteur partie à l’accident à indemniser Mme G. de la moitié de ses préjudices, retenant une faute exonératoire de la victime dans la conduite de son cyclomoteur.
De son côté, la cour administrative d’appel de Lyon a jugé que le centre hospitalier avait commis une faute dans la prise en charge de Mme G., lui faisant perdre une chance d’éviter les complications dont elle a été victime. Elle a estimé que la responsabilité de l’hôpital n’était engagée qu’à 50 %. Concernant l’indemnisation, la Cour avait tenu compte de la majoration pour tierce personne tant pour évaluer le montant de son préjudice relatif aux frais d’hébergement dans un établissement spécialisé que pour évaluer pour les mêmes périodes le montant de son préjudice relatif aux frais d’assistance par une tierce personne ainsi que par voie de conséquence les sommes dues à la CPAM au titre de l’un et l’autre préjudice. Elle avait donc déduit les sommes que le juge judiciaire avait condamné le conducteur de l’autre véhicule à verser à Mme G.
La question posée au Conseil d’Etat : La Cour pouvait-elle imputer les sommes dues par le centre hospitalier au titre de la faute commise des sommes versées par l’assureur du conducteur, co-responsable de l’accident de la circulation ?
La réponse apportée par le Conseil d’Etat : Le Conseil d’Etat censure la cour estimant que « lorsque la faute commise par un établissement public de santé dans la prise en charge de la victime d’un accident commis par un tiers engage sa responsabilité à l’égard de cette victime, la réparation qui incombe à l’établissement de santé est indépendante du partage de responsabilité susceptible d’être prononcé par la juridiction saisie d’un litige indemnitaire opposant la victime et le tiers auteur de l’accident. Par suite, si cette dernière juridiction a condamné le tiers à indemniser la victime de tout ou partie de ses dommages corporels, cette somme n’a pas à être déduite du montant que l’hôpital doit verser à la victime en réparation de la faute du service public hospitalier ».
Toutefois, le Conseil d’Etat rappelle que la victime ne peut pas obtenir une réparation supérieure au montant du préjudice subi (CE 3 nov. 1978, n° 05353 , Centre Hospitalier régional de Rouen, Lebon 425). Par conséquent, il y a lieu, pour le juge, « de diminuer la somme mise à la charge de l’hôpital dans la mesure requise pour éviter que le cumul de cette somme et des indemnités que la victime a pu obtenir devant d’autres juridictions excède le montant total des préjudices ayant résulté, pour elle, de l’accident et des conditions de sa prise en charge par l’hôpital ».
Source : CE, 27 déc. 2021, n° 435632