CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 08/12/2021, 19BX04351
La requérante avait demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le centre hospitalier (CH) de la Basse-Terre à lui verser une indemnité de 42 450 euros en réparation des préjudices qu’elle estimait avoir subis du fait de l’intervention (hystérectomie) réalisée dans cet établissement en 2012. Par un jugement n° 1801231 du 24 septembre 2019, le tribunal avait rejeté sa demande.
Elle interjette appel et soutient notamment que son dossier médical ne comporte aucune trace d’une information quant aux risques encourus, ni d’une réflexion bénéfices/risques quant aux solutions thérapeutiques alternatives, mais seulement un schéma simple représentant un utérus porteur de fibromes. Elle précise qu’elle n’a pas reçu d’information spécifique quant au risque d’accident urinaire lors de cette chirurgie, que ce soit de lésion urétérale ou d’aggravation d’une incontinence d’effort, complication classique de l’hystérectomie vaginale. La partie adverse estime que la requérante reproche un défaut d’information pour la première fois en appel et qui plus est, dès lors que la lésion urétérale survenue lors de l’hystérectomie constitue un risque exceptionnel dont la fréquence est inférieure à 0,1 % des cas, et qu’elle ne peut être regardée comme grave, le risque qui s’est réalisé ne justifiait pas une information spécifique, comme l’a d’ailleurs retenu l’expert ; au demeurant, le schéma représentant un utérus porteur de fibromes, loin d’être critiquable, démontre qu’une information a été délivrée.
La Cour d’appel part de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique selon lequel :
« Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (…) «.
Elle estime qu’l résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l’accomplissement d’un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. En cas de manquement à cette obligation d’information, si l’acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s’il a été réalisé conformément aux règles de l’art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n’a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l’établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l’opération. Il n’en va autrement que s’il résulte de l’instruction, compte tenu de ce qu’était l’état de santé du patient et son évolution prévisible en l’absence de réalisation de l’acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu’il aurait fait, qu’informé de la nature et de l’importance de ce risque, il aurait consenti à l’acte en question.
Or, en l’espèce, si l’entretien avec le médecin et la présence au dossier d’un schéma simple représentant un utérus porteur de fibromes constituent des indices suffisants de la délivrance d’une information sur l’utilité de l’intervention, il n’est pas établi ni même allégué par le centre hospitalier que les alternatives thérapeutiques auraient été présentées à l’intéressée. Pourtant, le premier expert a notamment relevé, sans être critiqué sur ce point, que différentes options, telles qu’un traitement médical progestatif, une embolisation ou une hystérectomie sub-totale étaient envisageables.
La Cour conclut que dans ces conditions, il ne résulte pas de l’instruction que la requérante aurait nécessairement consenti à la réalisation de l’intervention si elle avait été informée du risque de section de l’uretère, de sorte qu’elle a perdu une chance de se soustraire à cette conséquence de l’hystérectomie au regard de l’existence d’alternatives thérapeutiques.
Elle est donc fondée à soutenir que la responsabilité du centre hospitalier est engagée à raison de ce défaut d’information.
En outre, elle est recevable à invoquer pour la première fois en appel une faute différente de celles soulevées devant le tribunal.
Aussi, dans les circonstances de l’espèce, au regard de la faiblesse d’occurrence du risque et des bénéfices de l’intervention, la perte de chance de se soustraire au risque qui s’est réalisé peut être évaluée à 10 %.
Pour finir, les préjudices s’élèvent à 18 925 euros. Eu égard au taux de perte de chance de 10 %, l’indemnité à la charge du centre hospitalier doit être fixée à 1 892,50 euros.