Comment faire lorsqu’un agent sollicite la protection fonctionnelle, invoquant des éléments mettant directement en cause l’autorité hiérarchique ? On peut, en effet, s’interroger sur la partialité de l’instructeur de la demande…
Depuis peu, le Conseil d’Etat a arrêté sa doctrine en la matière.
1ère affaire : Dans la fonction publique hospitalière, à raison d’une vive altercation
Un praticien hospitalier avait présenté une demande de protection fonctionnelle à raison d’une agression verbale et physique de la part du directeur du centre hospitalier. Cette demande avait été rejetée par le directeur du centre hospitalier lui-même, et l’agent avait alors demandé au Tribunal administratif l’annulation de ce refus, lequel y a fait droit, en considérant que le principe d’impartialité prévu par l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligation des fonctionnaires aurait dû empêcher le directeur du centre hospitalier de statuer sur une telle demande.
Ce raisonnement n’était pas suivi par la Cour administrative d’appel qui avait annulé ce jugement, en jugeant que le principe d’impartialité ne s’appliquait pas à l’exercice du pouvoir hiérarchique.
Le Conseil d’Etat rappelle que :
- le principe d’impartialité s’applique à toute autorité administrative dans toute l’étendue de son action, y compris dans l’exercice du pouvoir hiérarchique.
- la protection fonctionnelle n’est en principe pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l’un de ses supérieurs hiérarchiques, sauf dans le cas où les actes reprochés sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique.
Or, en l’espèce, la demande était fondée sur des faits – une très vive altercation – insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique. Elle entrait donc dans le cadre de la protection fonctionnelle. Le Conseil d’Etat soutient qu’il appartenait à l’Agence régionale de santé, en charge d’instruire les demandes de protection fonctionnelle émanant des personnels de direction des établissements publics de santé, d’instruire cette fois la demande présentée par le praticien hospitalier.
Source : CE, 29 juin 2020, Monsieur D. B., n° 423996
2ème affaire : Dans la fonction publique territoriale, à raison de faits de harcèlement
Une attaché territorial principal occupant le poste de directeur général des services d’une communauté de communes avait sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison de faits de harcèlement dont elle s’estimait victime, de la part du président de la communauté de communes… On s’en doute, ce dernier a rejeté sa demande, posant une nouvelle fois la question de l’impartialité.
Reprenant le principe posé par le Conseil d’Etat, la Cour administrative d’appel de Nantes rappelle que si la protection résultant de ce principe n’est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l’un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique.
Appliquant le principe d’impartialité, la Cour souligne ensuite que « le supérieur hiérarchique mis en cause à raison d’actes insusceptibles de se rattacher à l’exercice du pouvoir hiérarchique ne peut régulièrement, quand bien même il est l’autorité compétente pour prendre une telle décision, statuer sur la demande de protection fonctionnelle présentée pour ce motif par son subordonné. Le chef de l’exécutif territorial ne peut donc, par exception à sa compétence de principe, régulièrement, sans méconnaître le principe d’impartialité, se prononcer lui-même sur une demande de protection fonctionnelle au titre d’agissements constitutifs de harcèlement faisant état de circonstances objectives mettant sérieusement en cause son propre comportement ».
Pour autant, la Cour ne précise pas quelle autorité pourrait se substituer à l’autorité compétente. Et c’est elle qui apprécie le bien-fondé de la demande de protection fonctionnelle. En l’espèce, la Cour retient un défaut de preuve des allégations avancées par l’agent (surcharge de travail générant un état d’épuisement, comportement désobligeant et vexant, propos méprisants, isolement, dénigrement…). La Cour estime alors la décision refusant la protection fonctionnelle est fondée, faute d’éléments de nature à justifier son bénéfice.
Source : CAA de Nantes, 2 fév. 2021, n° 19NT01828