Il est toujours extrêmement difficile d’apprécier, de manière concrète, la situation du conseil départemental lorsqu’un assistant familial est soupçonné de maltraitance, entre secret de l’instruction, protection des mineurs et droits de la défense.
LES FAITS : Les départements du Pas-de-Calais et de Seine-et-Marne avaient été destinataires d’informations préoccupantes sur le comportement de deux couples d’assistants familiaux. Dans les deux cas, le procureur de la République avait été saisi. Le président du conseil départemental du Pas-de-Calais avait suspendu les agréments du couple qu’il employait et leur avait retiré les enfants qu’ils accueillaient. En Seine-et-Marne, la procédure avait été jusqu’au retrait des agréments et au licenciement. Les deux couples avaient obtenu respectivement du tribunal administratif de Lille et de celui de Melun la suspension des mesures en cause.
APPORT DE L’ARRET : Le Conseil d’Etat rappelle plusieurs éléments fondamentaux en la matière :
1° Concernant la suspension
- Quand le président du conseil départemental est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l’épanouissement d’un enfant de la part de l’assistant familial ou de son entourage, il doit tenir compte de tous les éléments portés à sa connaissance ou recueillis par ses services.
- Il peut procéder à la suspension de l’agrément si les éléments revêtent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et révèlent une situation d’urgence.
- Quand bien même la décision de suspension n’est pas une mesure disciplinaire et n’a pas à être motivée, en cas de contestation, il doit être en mesure de la justifier sans que ne puisse être opposé le secret de l’instruction.
2° Concernant le retrait d’agrément
- Le retrait de l’agrément ne peut avoir lieu qu’après consultation de la commission consultative paritaire départementale devant laquelle l’assistant familial est en droit de présenter ses observations.
- Le président du conseil départemental doit indiquer tant à l’agent qu’à la commission consultative paritaire, obligatoirement consultée avant la décision de retrait, les motifs de la décision envisagée. Il s’agit d’une garantie pour l’assistant familial qui peut présenter ses observations.
- Un retrait ne peut intervenir pour un motif qui n’aurait pas été soumis à la commission consultative paritaire départementale et sur lequel l’intéressé n’aurait pu présenter devant elle ses observations. Le secret de l’instruction ne peut être invoqué pour s’opposer à la communication des informations obtenues et sur lesquelles le président du conseil départemental peut se fonder.
- Si « la communication de certains de ces éléments est de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui auraient alerté les services du département, à l’enfant concerné ou aux autres enfants accueillis ou susceptibles de l’être, il incombe au département non de les communiquer dans leur intégralité mais d’informer l’intéressé et la commission de leur teneur, de telle sorte que, tout en veillant à la préservation des autres intérêts en présence, l’intéressé puisse se défendre utilement et que la commission puisse rendre un avis sur la décision envisagée ».
Source : CE, 9 novembre 2023, n° 473633