En l’espèce, une association promeut la méthode dite des « 3i ».
Il s’agit d’une méthode qui repose sur une stimulation « individuelle, interactive et intensive de l’enfant ».
Cependant, en 2012, la Haute Autorité de santé (HAS) rédige une recommandation de bonne pratique, dans laquelle elle estime que la méthode des « 3i » est une « intervention globale non recommandée ».
A la suite de cela, l’association demande à la HAS un réexamen de cette recommandation.
Or, dans une décision de 2018, la présidente de la HAS rejette cette demande.
Par conséquent, l’association a intenté une action en justice, qui passe pour la deuxième fois devant le Conseil d’Etat.
En effet, dans une décision rendue en 2020, le CE avait déjà rejeté la requête de l’association. Elle avait pour objet l’annulation pour excès de pouvoir de la décision de 2018 dans laquelle la présidente de la HAS rejetait leur demande de réexamen de la recommandation de bonne pratique concernant la méthode des 3i. Le CE considérait que le refus de la HAS de faire droit à la requête de l’association « ne revêtait pas un caractère manifestement erroné au regard des données acquises de la science ». Cependant, il précise que c’est à la HAS au vu de « l’évolution des connaissances et des pratiques dans la prise en charge de l’autisme depuis sa recommandation de 2012 » d’élaborer « un référentiel méthodologique » qui permettrait d’évaluer indépendamment la méthode des « 3i ». Ce référentiel méthodologique permettant alors de préparer des travaux qui seront nécessaires au réexamen de la recommandation de bonne pratique. A la suite de cette décision rendue par le CE, le collège de la HAS adopte un document dans lequel il évalue la méthode des « 3i », par une décision en date du 28 avril 2022.
C’est donc ce dernier document et la recommandation de bonne pratique qui sont visés par l’association et qui font l’objet de la demande au CE en l’espèce. Ici, ce que demande principalement l’association au CE c’est d’annuler pour excès de pouvoir la décision de 2022 où la HAS adopte le document permettant d’évaluer la méthode des 3i, mais aussi celle de 2018 où la présidente de la HAS rejette la demande de réexamen de la recommandation de bonne pratique concernant la méthode des 3i.
Le CE estime que ces deux demandes doivent être regardées comme assorties et donc, qu’elles tendent aux mêmes fins.
Dans un premier temps, l’association reproche à l’évaluation menée par la HAS et qui a permis de déterminer le référentiel méthodologique évaluant la méthode des « 3i », de ne pas être indépendante. Or, le CE estime que la HAS lors du choix de la procédure d’évaluation a fait son nécessaire pour ne pas porter atteinte à l’autorité de la chose jugée en vertu de la décision précédente rendue par le CE en 2020. La HAS en se fondant sur la littérature disponible, en faisant appel à un groupe de travail, qui lui-même a auditionné des représentants de l’association, mais aussi à la consultation d’un groupe de lecture, d’un groupe d’experts internationaux et autres méthodes, est considérée par le CE comme ayant établi une évaluation indépendante.
L’association estime aussi que les travaux ayant permis l’adoption du document évaluant la méthode des 3i, sont entachés de nullité pour cause d’irrégularité. En effet, l’association fait valoir « que l’une des douze membres du groupe de travail sur le projet de rapport de l’évaluation, présidente d’une association d’usagers, aurait mis en garde une représentante d’une autre association d’usagers située à l’étranger à propos de la méthode des « 3i » ». Cependant, le CE considère que la mise en garde formulée dans un cadre d’échanges privés après les travaux de groupe de travail, ne peut pas permettre d’alléguer que la composition du groupe de travail était « manifestement déséquilibrée du fait de la participation de l’intéressée à ces travaux ». De plus, le CE ajoute que cette participation ne peut pas faire obstacle à ce que les travaux ont été menés « dans le respect du principe d’impartialité qui s’impose à tous les organes administratifs ».
Le CE considère donc qu’il n’y a ni manquement au principe d’impartialité, ni d’irrégularité dans l’adoption du document d’évaluation de la méthode des « 3i ».
En outre, l’association prétend que l’expertise n’a pas pris en compte son point de vue, et « qu’elle n’aurait pas été mise à même d’exprimer et d’argumenter sa position dans des conditions d’ailleurs conformes à la charte de l’expertise sanitaire ».
Or, en vertu des articles L.1452-1 et L.1452-2 du Code de la santé publique ayant permis l’adoption de la charte de l’expertise sanitaire, le CE affirme que l’association regardée comme « partie prenante » a pu participer au projet conformément à la charte de l’expertise sanitaire.
L’association avance également que le rapport est entaché d’erreurs de faits.
Cependant, le CE déclare qu’il ne l’est pas étant donné que ce dernier se réfère au site internet de l’association.
De plus, le CE affirme que l’appréciation de la HAS faite sur la méthode des 3i n’est pas entachée d’erreurs de fait puisqu’elle « ne présente pas un caractère manifestement erroné au regard des données actuellement acquises de la science ».
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le CE considère qu’il n’y a pas excès de pouvoir.
Elle juge qu’au vu des connaissances scientifiques, il n’est pas possible de reconnaître que la HAS a évalué en dehors de ses compétences la méthode des 3i.
Source : Conseil d’État, 1ère, 4ème chambres réunies, 20 juillet 2023, n°465382