En l’espèce, un patient consulte un chirurgien orthopédique à la suite de douleurs au genou. Ce dernier lui diagnostique une subluxation rotulienne, et procède à une opération en janvier 2001 (une décompression de la rotule sous arthroscopie). Au cours de l’intervention, le chirurgien décide de procéder à une ablation de la bourse prérotulienne afin de l’envoyer en analyse. Seulement, quelques jours plus tard, à la suite de la survenue d’un hématome postopératoire, le patient a dû subir une seconde intervention chirurgicale. 10 ans plus tard, il invoque des douleurs articulaires persistantes. C’est pourquoi, il décide d’assigner en responsabilité et en indemnisation le chirurgien. La société d’assurance de responsabilité civile professionnelle de celui-ci intervient à l’instance.
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt en date du 16 décembre 2021 condamne la société d’assurance à indemniser le patient pour réparer le préjudice moral dont il souffre suite à l’ablation illégitime d’un corps sain. En effet, elle considère que le chirurgien a été l’auteur d’une faute en pratiquant un acte inutile, qui plus est, étant à l’origine des complications postopératoires. Elle déclare responsable le chirurgien en vertu de l’article L.1142-1 du Code de la Santé Publique et condamne la société d’assurance à indemniser le préjudice corporel et le préjudice moral du patient. Un pourvoi en cassation est formé.
La Cour de cassation condamne à son tour la société d’assurance à indemniser la victime et valide le raisonnement rendu dans l’arrêt précédent. Elle affirme que le patient a été victime d’un préjudice moral, et souligne le fait que ce préjudice est distinct des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent subi par le patient. A ce titre la Haute juridiction considère que “les sommes allouées au titre du déficit fonctionnel permanent et des souffrances n’incluaient pas ce préjudice, dont elle avait constaté l’existence, elle a pu l’indemnisation distinctement et n’a pas méconnu le principe d’une réparation intégrale sans pertes ni profit pour la victime”.Par conséquent, le patient est en droit de demander l’indemnisation d’un préjudice moral lors d’une ablation d’un organe sain, même si elle n’a entraîné aucune souffrance endurée ou déficit fonctionnel.
En outre, elle affirme le raisonnement de la cour d’appel en considérant qu’il existait un manquement de la part du chirurgien. En effet, ce dernier au sein du compte-rendu opératoire avait délivré au patient une fausse information sur son état de santé, qui selon la Cour est constitutif d’un préjudice moral pour la victime, engageant la responsabilité du chirurgien.
Source : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 décembre 2023, 22-20.786, Inédit
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