M. C. a subi en 2011 une intervention en vue de remplacer le défibrillateur cardiaque implantable dont il était porteur. Après son retour à son domicile, il a été victime d’un accident vasculaire cérébral. Il est resté atteint d’une hémiplégie droite massive, d’un déficit facial droit, d’aphasie et de troubles de la compréhension entraînant un déficit fonctionnel évalué à 90 %. Estimant que ces dommages étaient liées aux conditions de sa prise en charge au CHU où l’opération était intervenue, M. C. a présenté une demande indemnitaire au CHU qui l’a refusé. Si le tribunal administratif a fait droit à la requête indemnitaire de M. C., la Cour administrative d’appel a annulé le jugement, rejeté les demandes indemnitaires dirigées contre le CHU de Caen et, estimant que les conditions d’une indemnisation au titre de la solidarité nationale sur le fondement du II de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique n’étaient pas remplies, mis hors de cause l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).
Pour déterminer si M. C. peut se voir indemniser des préjudices qu’il estime avoir subi du fait de l’intervention, le Conseil d’Etat revient sur la méthodologie à appliquer.
1er temps : le CHU a-t-il commis une faute de nature à engager sa responsabilité ?
En matière de responsabilité médicale, les professionnels de santé et les établissements de santé ne sont responsables qu’en cas de faute (article L. 1142-1, I, al. 1, du code de la santé publique). Il faut donc démontrer l’existence d’une faute et ce n’est que si celle-ci est établie et qu’elle est la cause des dommages subis qu’une action en indemnisation pourra aboutir.
En l’espèce, le juge administratif a considéré, sur la base des rapports d’expertise que le CHU n’avait commis aucune faute dans la prise en charge, que ce soit avant, pendant ou après l’opération.
Il serait néanmoins injuste de ne pouvoir prétendre à aucune indemnisation alors que, manifestement l’AVC a été causé par l’opération. C’est pourquoi, en l’absence de faute, il faut rechercher si l’indemnisation peut intervenir au titre de la solidarité nationale.
2ème temps : En l’absence de faute médicale, il faut justifier d’un préjudice « anormal » ?
Si la responsabilité du professionnel de santé ou de l’établissement ne peut être engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale sous conditions (article L. 1142-1, II et D. 1142-1 du code de santé publique) :
- les préjudices doivent être directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins ;
- les préjudices ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci ;
- les préjudices ont un caractère de gravité conséquent (24%).
Si les conditions sont remplies, c’est l’ONIAM qui assure, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages. C’est donc l’anormalité du dommage qui va conditionner l’intervention de l’ONIAM.
Il existe une présomption d’anormalité :
- Lorsque l’acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l’absence de traitement ;
- Lorsque les conséquences de l’acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l’absence de traitement, le dommage sera considéré comme anormal si, dans les conditions où l’acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Il n’y aura pas anormalité si la gravité de l’état de santé du patient a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l’origine du dommage
En l’espèce, les expertises avaient mis en évidence le risque d’un AVC lors du remplacement d’un défibrillateur chez un patient en fibrillation auriculaire non anti-coagulé, comme c’était le cas de M. C., était de l’ordre de 3 %. Alors que la Cour administrative d’appel en avait déduit qu’il ne s’agissait pas d’une probabilité faible, le Conseil d’Etat estime quant à lui que cette probabilité est faible et ouvre droit à l’indemnisation au titre de la solidarité nationale.
L’appréciation de la probabilité et de son caractère faible ou non relève de l’appréciation souveraine des juge (le Conseil d’Etat censure l’erreur de qualification juridique)
Source : CE, 4 février 2019, n° 413247