1/ Sur les modalités de portage à domicile par une pharmacie d’officine
- Règle n°1 : La situation personnelle du patient doit justifier le service
Article R5125-50 du Code de la Santé Publique (CSP) :
« Les médicaments, produits ou objets mentionnés à l’article L. 4211-1 ne peuvent être dispensés à domicile en application de l’article L. 5125-25 que lorsque le patient est dans l’impossibilité de se déplacer, notamment en raison de son état de santé, de son âge ou de situations géographiques particulières ».
La situation personnelle du patient doit donc justifier un tel service. Il ne peut s’agir d’une démarche commerciale de la pharmacie.
- Règle n°2 : Pas de livraison sans dispensation personnelle du pharmacien
Le Code et les règles de bonnes pratiques ne prévoient pas de livraison à domicile sans une dispensation à domicile. Livrer ne peut aller sans dispenser.
Explications :
- Attention à la distinction entre livraison et dispensation
Cette confusion est devenue commune mais en réalité il n’existe pas à proprement parler de service légal, par les pharmacies, de livraison -en soi- de médicaments à domicile. Seule une dispensation de médicaments à domicile est légalement admise à ce jour (v. supra art. R5125-50 CSP), au service de laquelle une livraison peut se faire par transporteur (si le pharmacien ne livre pas lui-même).
En effet, la dispensation s’impose toujours au pharmacien lorsqu’il délivre un médicament, y compris lorsque le patient se voit in fine remettre le médicament à son domicile. En clair, le pharmacien se doit de commenter l’ordonnance et de fournir au patient (ou à l’aidant à son chevet) les informations utiles à la prise du traitement.
Précisons que la dispensation est une activité que seul un pharmacien peut exercer :
Article L5125-25 CSP :
[…].
« Toutefois, sous réserve du respect des dispositions du premier alinéa de l’article L. 5125-21, les pharmaciens d’officine, ainsi que les autres personnes légalement habilitées à les remplacer, assister ou seconder, peuvent dispenser personnellement une commande au domicile des patients dont la situation le requiert ».
Plus précisément, pour la dispensation, il peut s’agir d’un pharmacien ou « assimilé » dès lors que ce dernier remplit les obligations relatives à la dispensation :
Article R5125-51 CSP :
« La dispensation à domicile peut être effectuée par le pharmacien titulaire ou gérant de l’officine après décès, ou par le pharmacien gérant de la pharmacie mutualiste ou d’une société de secours minière, ou par leurs adjoints ou leur remplaçant.
Elle peut également être effectuée par les préparateurs en pharmacie ou les étudiants mentionnés à l’article L. 4241-10.
Dans le cas mentionné à l’alinéa précédent, le pharmacien titulaire ou le pharmacien gérant, ou, le cas échéant, son remplaçant ou un adjoint de l’officine ou de la pharmacie mutualiste ou d’une société de secours minière, veille personnellement à ce que les instructions nécessaires à une bonne observance et compréhension de la prescription par le patient soient données préalablement à la personne qui assure la dispensation ».
Cette phrase en gras résume l’objectif de la dispensation qui doit être rempli : faire en sorte de donner des instructions permettant une bonne observance et compréhension de la prescription par le patient.
- La livraison ne concerne que le transport et doit par principe être effectuée par le pharmacien (la sous-traitance du transport restant l’exception à la règle)
Sur la livraison, en réalité le simple transport du médicament, le Code prévoit par principe que c’est le pharmacien qui s’en charge personnellement afin -logiquement- de fournir au patient une dispensation personnelle :
Article R5125-52 CSP :
« Les médicaments, produits ou objets mentionnés à l’article L. 4211-1 sont transportés par le pharmacien qui assure la dispensation à domicile dans des conditions garantissant leur parfaite conservation ».
NB : Article L4211-1 CSP :
« Sont réservées aux pharmaciens, sauf les dérogations prévues aux articles du présent code :
1° La préparation des médicaments destinés à l’usage de la médecine humaine ;
2° La préparation des objets de pansements et de tous articles présentés comme conformes à la pharmacopée ;
3° La préparation des générateurs, trousses ou précurseurs mentionnés à l’article L. 5121-1 ;
4° La vente en gros, la vente au détail, y compris par internet, et toute dispensation au public des médicaments, produits et objets mentionnés aux 1°, 2° et 3° ;
5° La vente des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée sous réserve des dérogations établies par décret ;
6° La vente au détail et toute dispensation au public des huiles essentielles dont la liste est fixée par décret ainsi que de leurs dilutions et préparations ne constituant ni des produits cosmétiques, ni des produits à usage ménager, ni des denrées ou boissons alimentaires ;
7° La vente au détail et toute dispensation au public des aliments lactés diététiques pour nourrissons et des aliments de régime destinés aux enfants du premier âge, c’est-à-dire de moins de quatre mois, dont les caractéristiques sont fixées par arrêté des ministres chargés de la consommation et de la santé ;
8° La vente au détail et toute dispensation de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro destinés à être utilisés par le public, à l’exception des tests destinés au diagnostic de la grossesse ainsi que des tests d’ovulation.
La fabrication et la vente en gros des drogues simples et des substances chimiques destinées à la pharmacie sont libres à condition que ces produits ne soient jamais délivrés directement aux consommateurs pour l’usage pharmaceutique et sous réserve des règlements particuliers concernant certains d’entre eux ».
Par principe donc, l’ensemble des médicaments, produits ou objets cités ci-dessus doivent être transportés au domicile du patient par le pharmacien lui-même.
- La règle de la dispensation vaut également pour la HAD en coopération avec une pharmacie d’officine
Un avenant à l’accord cadre pour le développement des coopérations entre les établissements d’hospitalisation à domicile (HAD) et les syndicats de pharmaciens d’officine a été signé en 2018 entre l’USPO, la FSPF et la Fédération nationale des établissements de HAD (FNEHAD).
Les conventions de coopération entre l’établissement d’HAD et le pharmacien d‘officine (lorsque l’HAD ne passe pas par une PUI) doivent respecter cet accord cadre.
Les engagements du pharmacien d’officine sont conformes à son activité quotidienne : dispensation, analyse pharmaceutique, contact avec le prescripteur en cas d’anomalie dans la prescription…
- Force juridique ancienne et renouvelée de la règle de dispensation, adaptée à la pratique actuelle
Dès 1996, dans une réponse ministérielle, on peut lire :
« il appartient au pharmacien de s’assurer que les conseils relatifs au bon usage du médicament parviennent au client. Il peut le faire, dans le cas de la livraison à domicile, en ajoutant dans le paquet scellé destiné au client, toutes les instructions manuscrites nécessaires. […] Ces obligations de conseil relèvent pleinement du rôle du pharmacien dispensateur, telles que définies à l’article R. 5015-48 du code de la santé publique et ne constituent donc pas un service supplémentaire fourni par le pharmacien. » (Réponse du ministère : Travail publiée dans le JO Sénat du 11/01/1996 – p.70).
Ainsi, si le principe est ancien, il n’est pas entendu strictement par une présence physique du pharmacien chez le patient.
Il faut donc au minimum pourvoir justifier d’un écrit si le pharmacien ne fait pas lui-même, physiquement, la dispensation au domicile du patient.
Car cette règle de dispensation obligatoire est régulièrement rappelée par l’Ordre des pharmaciens. On peut lire dans certains communiqués expliquant que la dispensation des médicaments de prescription médicale obligatoire par un pharmacien au domicile d’un patient est gage de sécurité :
« Le pharmacien ne peut pas donner les mêmes conseils si la personne n’est pas en face de lui. Il ne peut pas prendre en compte les éventuels signaux pathologiques qui peuvent le conduire à poser des questions supplémentaires sur son état de santé, comme un état de fatigue ou des troubles liés aux effets indésirables, et ainsi adapter son traitement en concertation avec le prescripteur».
EN BREF sur la dispensation obligatoire (et dont la livraison n’est qu’un complément/prolongement/accessoire) :
S’assurer que les conseils relatifs au bon usage du médicament parviennent au client, éventuellement, si le pharmacien ne se déplace pas physiquement et que le transport est délégué, en ajoutant dans le paquet scellé destiné au client, toutes les instructions manuscrites nécessaires (et prendre une photo en preuve).
NB : cette pratique devrait être doublée d’un appel téléphonique.
FOCUS sur le prix de la prestation et la publicité :
Le Décret n° 2018-841 du 3 octobre 2018 « conseils et prestations destinés à favoriser l’amélioration ou le maintien de l’état de santé des personnes » permet au pharmacien de facturer des honoraires pour un service rendu, y compris la dispensation à domicile, à condition toutefois que cette prestation soit réalisée par le titulaire lui-même ou par un salarié de l’officine sous la responsabilité du titulaire.
En outre, l’article R. 4235-44 alinéa 1 du CSP prévoit que « les groupements, ou réseaux constitués entre pharmacies peuvent mener des campagnes de prévention ou de promotion de la santé publique, communiquer sur les prestations, missions et activités, destinées à favoriser l’amélioration ou le maintien de l’état de santé des personnes. Ces communications ne peuvent en revanche comporter aucune forme de publicité individuelle pour les officines membres ou adhérentes ».
2/ Sur les modalités de réception de l’ordonnance
Le titulaire de la pharmacie devra :
- Soit être en possession de l’ordonnance (d’origine) avant toute délivrance d’un médicament relevant des substances vénéneuses, conformément aux articles R 5132-6 et R5132-22 du CSP et aux bonnes pratiques de dispensation.
- Soit, le cas échéant, s’assurer que le système de transmission de la copie par le service hospitalier respecte les conditions prévues par la loi du 13 août 2004 n°2004-810 relative à l’assurance maladie (article 34) qui a introduit la possibilité de prescrire des soins ou des médicaments par courriel :
- Le prescripteur doit être dûment identifié,
- L’ordonnance doit être établie, transmise et conservée dans des conditions propres à garantir son intégrité et sa confidentialité,
- Un examen clinique du patient doit avoir été réalisé préalablement, sauf à titre exceptionnel en cas d’urgence.
Il résulte de ces conditions, en pratique, que :
- L’expression « dûment identifié » impose a priori une signature électronique (pour le signataire de l’ordonnance).
Pour en bénéficier, il faut faire une demande de certificat qualifié de cachet ou de signature électronique auprès d’une autorité de certification électronique qualifiée (la liste de confiance française étant disponible sur Internet : http://references.modernisation.gouv.fr/la-trust-service-status-list-tsl)
- L’autorité sélectionnée délivre le certificat d’une durée de validité de deux ou trois ans sous 15 à 30 jours, pour un coût oscillant entre 70 et 130 €.
- L’exigence d’intégrité impose que l’ordonnance soit établie et transmise, au minimum, sous un format non modifiable (type PDF au minimum).
Néanmoins, de nombreux établissements hospitaliers utilisent désormais l’ordonnance électronique, conformément à l’Arrêté du 6 avril 2011 relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse dans les établissements de santé : « La prescription peut être rédigée, conservée et transmise de manière informatisée sous réserve qu’elle soit identifiée et authentifiée et que son édition sur papier soit possible ».
Et l’on voit mal pourquoi les hôpitaux partenaires de la pharmacie ne respecteraient pas la législation précitée dont le respect des conditions permet d’affirmer que la valeur juridique de la copie est égale à son original… (conformément aux articles L1111-26 et 27 du CSP).
EN BREF sur les modalités de réception de l’ordonnance :
L’ordonnance peut être transmises par courriel si elle respecte la double exigence de signature électronique et de format non modifiable. Elle peut aussi être transmise par une Plateforme ad hoc s’il est démontré que celle-ci respecte bien les conditions précitées (comme pour Doctolib par exemple).
En revanche, la commande ne peut en aucun cas être reçue par téléphone ou par fax.
3/ Sur le libre choix de la pharmacie par le patient
S’agissant de l’atteinte au libre choix du patient, le Conseil Régional de l’Ordre des Pharmaciens d’Ile-de-France a pu considérer que « la seule signature apposée sur le bon de livraison » ne permettait pas de s’assurer d’une telle manifestation.
C’est pourquoi la mise en place, en amont, d’une signature de conventions avec les cellules de coordination hospitalières et privées s’avère en effet indispensable. Ainsi, lorsqu’un patient doit être confié à la pharmacie par la cellule de coordination, celle-ci s’assure au préalable, par écrit (signature) du consentement éclairé du patient
EN BREF sur le respect du libre choix du patient :
Le choix du patient, pour être libre, ne peut se faire qu’en amont de la commande, et donc au sein même de l’établissement hospitalier. Il est recommandé d’ériger ce point comme une obligation contractuelle pour l’établissement, au sein d’un contrat de partenariat entre celui-ci et la pharmacie.