Aahh… L’été… Son soleil, sa chaleur, le repos tant attendu… Mais pas pour tout le monde ! Alors que certains se prélassaient sur un transat, nos parlementaires n’ont pas chômé. En 15 jours à peine, la loi relative à la gestion de la crise sanitaire a été débattue, promulguée et publiée le 6 août 2021. Le décret d’application ne s’est pas fait attendre, pris dès le lendemain.
S’il n’est pas envisagé une vaccination obligatoire pour tous, il n’en demeure pas moins que les restrictions posées par la loi sous-tendent à cette fin… Sans entrer dans ce débat, regardons ensemble les mesures à retenir dans le domaine de la santé.
I- Concernant l’accès aux soins
Le principe : L’accès aux services et établissements sanitaires sociaux et médico-sociaux est soumis à la présentation du passe sanitaire, c’est-à-dire :
- Soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ;
- Soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19 ;
- Soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19.
Qui est soumis à cette obligation ? Le passe sanitaire devra être présenté à l’entrée des établissements et services par les personnes :
- accompagnant ou rendant visite aux personnes accueillies dans ces services et établissements ;
- accueillies pour des soins programmés ;
- qui interviennent dans ces lieux.
Dans quels cas suis-je exempté de cette obligation ? La loi prévoit que la présentation du passe sanitaire n’est pas requise en cas d’urgence. Que recouvre cette notion ? Ni la loi, ni le décret ne le précisent…
S’il est clair que la notion d’urgence renvoie aux soins non programmés en établissement de santé, comment l’apprécier, en revanche, dans les établissements médico-sociaux ? Peut-on, par exemple, envisager que la présentation du passe n’est pas exigée pour rendre visite à un résident d’EHPAD en fin de vie ? Le décret ne prévoit que l’hypothèse où « l’exigence des justificatifs (…) est de nature à empêcher l’accès aux soins du patient dans des délais utiles à sa bonne prise en charge ».
On peut donc en déduire que l’accès aux soins devra être privilégié sur toute autre considération sauf si le professionnel de santé considère que l’acte médical (une consultation par exemple) peut être reportées sans risque de dommage pour le patient. Une même analyse peut être retenu pour les établissements sociaux et médico-sociaux. Dans ces conditions, il appartiendra aux établissements de conserver une trace des éléments qui ont les conduit à considérer que la présentation du passe sanitaire n’était pas exigible.
Quand dois-je présenter mon passe ? Ultime question, mais pas des moindres… La loi indique que le passe sanitaire devra être présenté pour accéder aux « services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux ». Si la notion d’établissements de santé, sociaux et médico-sociaux est claire, que faut-il entendre par la notion de « services » ?
Encore une fois, la précision n’est pas apportée par les textes. Si je me réfère au code de la santé publique (et plus particulièrement son livre VI), cela devrait concerner les laboratoires de biologie médicale, l’aide médicale d’urgence, les transports sanitaires, les réseaux de santé, la chirurgie esthétique, les centres de santé, les maisons de santé, les pôles de santé et les maisons d’accueil hospitalières.
Ainsi, consulter son médecin qui exerce en maison de santé ou en centre de santé supposerait la présentation du passe sanitaire. Une telle lecture me laisse songeuse dès lors que le professionnel libéral qui exerce en cabinet individuel ou en cabinet de groupe uniprofessionnel ne serait dès lors pas concerné par cette obligation. N’est-ce pas une méconnaissance du principe d’accès aux soins, mais surtout une rupture d’égalité entre professionnels libéraux en fonction de leur structure d’exercice (ce qui, à mon sens, ne pourrait se justifier constitutionnellement) ?
C’est pourquoi, et au regard de l’avis du Conseil d’Etat qui n’évoque que les établissements, il m’est donné de penser que l’obligation de présentation d’un passe sanitaire ne concerne que l’accès aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux. En aller autrement reviendrait à méconnaître l’obligation d’interprétation stricte de la loi qui ne prévoit pas clairement cette obligation pour les maisons et centres de santé, et pourrait, à titre individuel conduire les professionnels libéraux à méconnaître leurs obligations déontologiques (soigner et faire accéder aux soins, sans discrimination).
II- Concernant l’obligation vaccinale des professionnels
Certains professionnels, et plus particulièrement les professionnels de santé sont soumis à une obligation plus contraignante que le passe sanitaire : la vaccination contre la covid-19.
Qui est concerné ? Il s’agit d’une obligation très large puisque cela concerne :
1ère catégorie : les personnes exerçant leur activité dans :
- Les établissements de santé publics, privés d’intérêt collectif et privés, ainsi que les hôpitaux des armées ;
- Les centres de santé ;
- Les maisons de santé ;
- Les centres et équipes mobiles de soins y compris ceux des armées ;
- Les dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexes mentionnés aux II et III de l’article 23 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé ;
- Les centres de lutte contre la tuberculose ;
- Les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic ;
- Les services de médecine préventive et de promotion de la santé ;
- Les services de prévention et de santé au travail et les services de prévention et de santé au travail interentreprises ;
- Les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés aux 2°, 3°, 5°, 6°, 7°, 9° et 12° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, à l’exception des travailleurs handicapés accompagnés dans le cadre d’un contrat de soutien et d’aide par le travail mentionné au dernier alinéa de l’article L. 311-4 du même code (ASE, ESAT, EHPAD, FAM, CHRS…) ;
- Les logements foyers destinés à l’accueil des personnes âgées ou handicapées ;
- Les résidences-services destinées à l’accueil des personnes âgées ou handicapées ;
- Les habitats inclusifs ;
En utilisant le terme « les personnes exerçant leur activité » dans ces lieux, le Législateur a entendu imposer une obligation vaccinale très large, sans se soucier des missions du salarié ou de l’agent. Ainsi, peu importe que le professionnel intervienne sur des fonctions pour lesquelles il ne côtoie pas le public.
2ème catégorie : les professionnels de santé (médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, préparateurs en pharmacie, physicien médical, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, orthoptistes, manipulateurs radio, techniciens de laboratoire, audioprothésistes, opticiens-lunetiers, prothésistes, orthésistes, diététiciens, aides-soignants, auxiliaires de puéricultures, ambulanciers, assistants dentaires) qui ne relèveraient pas de la première catégorie.
Cela concerne donc tous les professionnels exerçant en cabinet libéral.
3ème catégorie : Les personnes, qui ne relèvent pas des 2 premières catégories, et qui font usage du titre de psychologue, ostéopathe ou chiropracteur, psychothérapeute.
4ème catégorie :
- Les étudiants ou élèves des établissements préparant à l’exercice d’une profession relevant de la 2ème ou 3ème catégorie susvisée ;
- les personnes travaillant dans les mêmes locaux que les professionnels de la 2ème et 3ème catégorie
5ème catégorie : Les professionnels employés par un particulier employeur, à leur domicile privé pour réaliser des prestations relevant de l’APA (personnes âgées) ou de la prestation de compensation (personnes handicapées).
6ème catégorie : Les « sauveteurs »
- les sapeurs-pompiers et les marins pompiers des SDIS,
- les pilotes et personnels navigants de la sécurité civile assurant la prise en charge de victimes,
- les militaires des unités investies à titre permanent de missions de sécurité civile
- les membres des associations agréées de sécurité civile participant, à la demande de l’autorité de police compétente ou lors du déclenchement du plan Orsec, aux opérations de secours et à l’encadrement des bénévoles dans le cadre des actions de soutien aux populations ou qui contribuent à la mise en place des dispositifs de sécurité civile dans le cadre de rassemblements de personnes ;
7ème catégorie : Les personnes exerçant l’activité de transport sanitaire mentionnée à l’article L. 6312-1 du code de la santé publique ainsi que celles assurant les transports pris en charge sur prescription médicale ;
8ème catégorie : Les prestataires de services et les distributeurs de matériels de maintien à domicile, d’orthèses, de matériels orthopédiques et de certaines prestations associées.
Existe-t-il des exceptions ? La seule limite prévue par les textes concerne les « personnes chargées de l’exécution d’une tâche ponctuelle au sein des locaux ». Rédaction malheureuse qui pourrait laisser entendre qu’un intérimaire ou un vacataire ne serait pas soumis à cette obligation. Difficile à envisager, notamment au regard du principe d’égalité… A notre avis, le législateur a (peut-être) voulu exclure les personnes intervenant très ponctuellement dans les cabinets libéraux, comme les agents d’entretien par exemple.
Le Décret précise néanmoins qu’il est possible de justifier d’un certificat de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination contre la covid-19, dans les cas limitativement énumérés :
1ère catégorie : Les contre-indications inscrites dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) :
- antécédent d’allergie documentée (avis allergologue) à un des composants du vaccin en particulier polyéthylène-glycols et par risque d’allergie croisée aux polysorbates ;
- réaction anaphylaxique au moins de grade 2 (atteinte au moins de 2 organes) à une première injection d’un vaccin contre le COVID posée après expertise allergologique ;
- personnes ayant déjà présenté des épisodes de syndrome de fuite capillaire (contre-indication commune au vaccin Vaxzevria et au vaccin Janssen).
2ème catégorie : Une recommandation médicale de ne pas initier une vaccination (première dose) : syndrome inflammatoire multi systémique pédiatrique (PIMS) post-covid-19.
3ème catégorie : Une recommandation établie après concertation médicale pluridisciplinaire de ne pas effectuer la seconde dose de vaccin suite à la survenue d’un effet indésirable d’intensité sévère ou grave attribué à la première dose de vaccin signalé au système de pharmacovigilance (par exemple : la survenue de myocardite, de syndrome de Guillain-Barré …).
4ème catégorie : Les cas de contre-indication médicale temporaire faisant obstacle à la vaccination contre la covid-1 :
- Traitement par anticorps monoclonaux anti-SARS-CoV-2.
- Myocardites ou péricardites survenues antérieurement à la vaccination et toujours évolutives.
Quel est le calendrier mis en place ? L’obligation vaccinale est mise en place en plusieurs étapes d’ici au 15 octobre 2021 :
- depuis le 9 août et jusqu’au 14 septembre 2021 inclus : Les professionnels de santé dont le schéma vaccinal n’est pas complet auront la possibilité de présenter un certificat de rétablissement ou un test de non contamination ou un certificat médical de contre-indication ;
- A compter du 15 septembre et jusqu’au 15 octobre 2021 inclus (date d’entrée en vigueur de l’obligation vaccinale) : les professionnels soumis à l’obligation vaccinale seront autorisés à exercer leur activité à condition de justifier de l’administration d’au moins une des doses requises dans le cadre du schéma vaccinal à plusieurs doses et de présenter le résultat d’un test de non-contamination ;
- A compter du 16 octobre 2021 : les professionnels de santé libéraux non vaccinés ou dont le schéma vaccinal n’est pas complet seront interdits d’exercer.
Quelles sont les sanctions ?
– Concernant les salariés et agents publics : L’obligation de contrôler le statut vaccinal des salariés et agents publics relève de l’établissement employeur. Le défaut de contrôle est susceptible de relever d’une contravention de 5e classe allant de 1 500 à 3 000 euros d’amende.
Les salariés qui ne rempliraient pas l’obligation vaccinale au 16 octobre 2021 seront informés par leur employeur de leur interdiction d’exercer leur emploi. Ils pourront mobiliser des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés en accord avec leur employeur. À défaut, leur contrat de travail sera suspendu et leur rémunération interrompue tant que le salarié ne produira pas les justificatifs requis (3 jours maximum).
Au-delà, l’employeur doit convoquer le salarié/agent à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d’affectation, le cas échéant temporaire, au sein de l’entreprise sur un autre poste non soumis à cette obligation… Cette option est de fait exclue pour les personnels des établissements de santé puisque TOUS les postes sont concernés…
– Concernant les professionnels libéraux : Les professionnels de santé libéraux sont tenus de se faire vaccinés. S’ils présentent un certificat médical de contre-indication à la vaccination, celui-ci pourra être contrôlé par un médecin-conseil de la caisse d’assurance maladie de rattachement de la personne concernée. Ce contrôle prendra en compte les antécédents médicaux de la personne et l’évolution de sa situation médicale et du motif de contre-indication au regard des recommandations formulées par les autorités sanitaires. Les agences régionales de santé (ARS) contrôleront le respect de l’obligation vaccinale des professionnels de santé libéraux. La loi prévoit que les ARS accèderont aux données relatives au statut vaccinal des professionnels de santé avec le concours des organismes locaux d’assurance maladie.
Lorsque l’ARS constatera qu’un professionnel de santé ne peut plus exercer son activité en raison du non-respect de l’obligation vaccinale depuis une durée supérieure à 30 jours, elle informera le conseil national de l’Ordre dont il relève. Il existe donc un risque de condamnation disciplinaire (interdiction d’exercice voire radiation).
Conclusion : L’obligation vaccinale peut conduire à un effet indésirable majeur (et c’est ce qui est en train de se produire…) : Des syndicats de professionnels de santé ont déposé des préavis de grève dans les établissements de santé et médico- sociaux, conduisant les directeurs d’établissements à craindre la survenue de graves difficultés de fonctionnement. De même, nombres de médecins libéraux veulent se constituer en collectif pour s’opposer à cette obligation. Et le débat ne nous semble pas clos, le Conseil constitutionnel ne s’étant prononcé que sur l’obligation vaccinale, mais seulement sur les conséquences de l’absence de vaccination par les professionnels concernés… Affaire à suivre.