A l’occasion d’une décision rendue le 29 avril 2022 (AD/05317-3/CN et AD/05427-2/CN), la Chambre de Discipline du Conseil National de l’Ordre des pharmaciens a précisé sa position sur la question de la licéité des cartes de fidélité.
Le Code de la Santé Publique pose deux principes absolus qui interdisent aux pharmaciens :
- « de solliciter la clientèle par des procédés et moyens contraires à la dignité de la profession. » (article R. 4235-22)
- et « d’avoir recours à des moyens de fidélisation de la clientèle pour une officine donnée. » (article R. 5125-28)
Aux termes de ces deux articles, les pharmaciens titulaires d’une officine ne peuvent mettre en place un dispositif de fidélisation de sa clientèle, comme une carte nominative, un système de points de fidélité, ou encore un système de parrainage. En revanche, la diffusion de carte des fidélité éditées par les laboratoires ou les fournisseurs, dès lors que les programmes de fidélité ne sont pas rattachés à une officine donnée, est possible.
Qu’en est-il des groupements qui mettent à disposition de leurs membres des outils ayant notamment pour vocation de faire bénéficier la clientèle d’avantages variés ?
Le CNOP rappelle la pleine responsabilité du titulaire d’officine dans la mise en place d’une opération de fidélisation proposée par le groupement auquel il appartient. En effet, il revient au titulaire de l’officine d’apprécier l’opportunité d’une action de fidélisation et sa légalité au regard des outils qu’il déploie dans son officine.
S’il ne procède pas à cette appréciation, il est susceptible d’engager sa responsabilité. L’appréciation de la légalité du dispositif de fidélisation vaut également sur les outils de communication associés (vitrines, réseaux sociaux…), susceptible d’être qualifié de sollicitation de clientèle.
En l’espèce, il s’agissait d’un programme de fidélisation proposant, contre le paiement de frais de souscription par le client, une réduction permanente sur la parapharmacie et l’exonération de l’honoraire de dispensation pour les médicaments non remboursés à prescription facultative.
La Chambre de discipline raisonne en deux temps :
- tout d’abord, elle retient qu’eu égard à l’ampleur de la réduction de prix de certains médicaments (-40%) que le programme annonce garantir aux souscripteurs, la pratique est constitutive d’une incitation à la consommation abusive de médicaments ;
- ensuite, elle estime que quand bien même la carte n’est pas siglée au nom de l’officine du pharmacien poursuivi mais à celui du groupement, l’effet fidélisant s’opère au profit de l’officine.
Cette décision rappelle que le pharmacien, profession réglementée, reste tenue de son devoir de vigilance dans le cadre des actions qu’il mène au bénéfice de son officine, quand bien même il appartient à un groupe qui peut inciter à des pratiques marketing inadaptées. Le pharmacien ne peut se cacher derrière son groupe !