Un patient souffrant de fibrillation auriculaire, se fait prescrire par son cardiologue un médicament, le cordarone commercialisé par la société Biogaran. Il sera traité par ce médicament du 12 mars 2009 au 12 août 2009. Le médecin prescripteur ne l’avait pas averti des risques d’apparition de maladies pulmonaires. La notice du médicament en question quant à elle, n’évoquait que « des troubles respiratoires mineurs (toux, fièvre, essoufflement) ». A la suite d’une consultation avec son pneumologue, son traitement sera arrêté. Son état de santé ne faisant que se dégrader, il décédera un an plus tard. C’est 6 ans après le traitement de ce patient que la société Biogaran mettra à jour la notice d’information en indiquant que « les problèmes respiratoires sont notés comme pouvant être graves ».
Les ayants droits du défunt et l’ONIAM sollicitent la condamnation de la société Biogaran sur la responsabilité du fait des produits défectueux, et celle du cardiologue pour faute dans la prise en charge du patient. La Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 25 novembre 2021, retient la responsabilité de la société et la condamne à des dommages et intérêts. La société Biogaran se pourvoit en cassation. Elle considère, selon un premier moyen, que la Cour d’appel a violé l’article 1245-3 du code civil en considérant qu’il y avait défectuosité du produit. Sur un second moyen, la société fait grief à l’arrêt de retenir à l’encontre de son médicament, l’imputabilité du décès du patient, en violant l’article 1245-8 du code civil. La Cour de cassation, dans un arrêt du 29 mars 2023, rejette le pourvoi formé par le laboratoire Biogaran, en toutes ses branches.
I. Une insuffisance d’informations fournies dans la notice du médicament : la défectuosité du produit caractérisée
Dans un premier temps, la société fait grief à l’arrêt de la Cour d’appel de retenir que « l’information fournie dans la notice du médicament était insuffisante et ne satisfait pas à l’exigence de sécurité des produits de santé ». La Cour d’appel souligne le fait que figurait sur la notice que le risque de développer « des troubles respiratoires » et non une pneumopathie. Cependant, la société considère que la cour d’appel a violé les articles R.5121-148 et R.5121-149 du Code de la santé publique, car selon elle, « le producteur d’un médicament n’a pas l’obligation de reproduire à l’indique dans la notice le contenu durésumé des caractéristiques du produit », mais que la notice doit être rédigée de manière à être claire et compréhensible pour le client, en indiquait la marche à suivre en cas d’effets indésirables. Elle considère que c’était le cas en l’espèce. Par conséquent, elle argue le fait que le médicament offrait « la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre ».
La société reproche également à la cour d’appel de caractériser le défaut du produit de santé en se basant sur l’évolution postérieure de la notice du médicament, indiquant 6 ans plus tard, « des problèmes respiratoires (…) pouvant être graves ».
La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le laboratoire Biogaran. Elle rappelle qu’aux termes de l’article 1386-4 alinéas 1er et 2, devenu 1245-3 alinéas 1er et 2 du code civil, « un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et dans l’appréciation de celle-ci, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation. ». Elle confirme l’arrêt rendu par la Cour d’appel ce qu’elle affirme qu’elle a légitimement déduit que l’information figurant sur la notice du médicament était insuffisante et que « ce médicament n’offrait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s’attendre et était dès lors défectueux ». Ainsi, elle considère que malgré les informations contenues dans le résumé des caractéristiques du produit, la défectuosité du produit était caractérisée au vu des informations contenues dans la notice.
II. Lien de causalité et charge de la preuve
Dans un second temps, la société Biogaran fait grief à l’arrêt de la Cour d’appel de retenir que « l’imputabilité du décès à la prise de Cordarone est établie ». La société estime que la preuve du lien de causalité entre le produit de santé, sa défectuosité et le dommage n’est pas établie. Par conséquent elle argue le fait que la Cour d’appel a procédé à un renversement de la charge de la preuve, violant l’article 1245-8 du code civil. En effet, pour qu’un produit de santé soit responsable du dommage, il faut que la preuve « soit rapportée de l’imputabilité des dommages allégués à l’administration d’un produit ». Or en l’espèce, le patient avait été traité dans les mois précédant son décès, par de la flécaïne, produit qui présentait les mêmes risques d’apparition de la maladie que le médicament élaboré par la société. Cependant, la cour d’appel retient que la flécaïne n’avait eu aucune influence sur le décès. Le laboratoire Biogaran considère que la cour d’appel n’a pas cherché si l’autre traitement avait pu avoir une incidence sur l’état de santé, et par conséquent, viole l’article 1386-9 du code civil ancien (devenu 1245-8). De plus, il relève qu’elle n’exclut pas, même en partie, la responsabilité du laboratoire, alors que l’état de santé du défunt s’était amélioré durant son hospitalisation avant de se dégrader de nouveau, malgré l’arrêt de cordarone. La société relève également qu’il n’y a pas de lien de causalité qui peut être établi entre le décès du patient et le défaut d’information sur la notice du médicament, « dès lors qu’il n’existait aucune alternative thérapeutique lui permettant d’échapper au risque de fibrose pulmonaire ».
La Cour de cassation considère que ce moyen n’est également pas fondé. Elle juge que la cour d’appel n’a pas inversé la charge de la preuve et que le dommage causé au patient (son décès) relève bien du fait du produit de santé. Elle retient qu’au vu du rapport de l’expert, la fibrose était en « lien direct et certain avec la prise de Cordarone », par conséquent elle estime que la cour d’appel a retenu par motifs adoptés et propres que « l’arrêt de la Cordarone ne saurait être interprété comme la preuve d’imputabilité du décès à la Flécaïne ».
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