Accès gratuitCJUEDossier médical

En l’espèce, en Allemagne, un patient reçoit des soins dentaires de son dentiste. Le patient suspecte que lors du traitement, le médecin a commis des erreurs, et à ce titre, il lui demande de lui remettre, à titre gratuit, une première copie de son dossier médical. Le dentiste indique qu’il le fera, seulement si le patient prend en charge « les frais liés à la fourniture de la copie du dossier médical », comme prévu par le droit national allemand. Le patient a alors intenté un recours contre le dentiste. Que ce soit en première instance, comme en appel, il a été fait droit à la demande du patient, qui était la remise à titre gratuit, d’une première copie de son dossier médical. Les différentes décisions qui ont été rendues s’appuyaient sur une interprétation de la législation nationale applicable à la lumière de l’article 12§5, 15§1 et 15§3 du règlement général sur la protection des données (RGPD).

Le médecin intente un recours. La Cour fédérale de justice en Allemagne considère que la solution du litige dépend de l’interprétation donnée à ces dispositions. Par conséquent, elle considère qu’en vertu du droit national, « le patient peut obtenir une copie de son dossier médical, à condition de rembourser au praticien les frais qui en résultent ». Cependant, à la lecture des précédentes dispositions, la solution pourrait être  tout à fait différente en fonction de leur interprétation. C’est pour cette raison que par 3 questions préjudicielles portées devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), cette dernière va préciser les conditions d’accès au dossier médical à la lumière des dispositions du RGPD. 

Retour sur le droit allemand :

Selon le droit allemand, le patient, quand il le demande, doit avoir un accès immédiat à l’ensemble du dossier médical. Il peut aussi réclamer la production de copies physiques ou électroniques à son libre choix. Enfin, la loi allemande prévoit que c’est au patient qu’il revient de rembourser au praticien les coûts engendrés par la communication de ce dossier. 

  1. Le droit d’accès gratuit à une première copie de son dossier médical, peu important le motif de cette demande

Globalement, ce qui était demandé dans un premier temps était de savoir si les articles 12§5, 15§1 et 15§3 du RGPD devaient être interprétés dans le sens d’une obligation pour le praticien de fournir gratuitement à la personne concernée, une première copie de son dossier médical, même quand la demande est motivée dans un but étranger du considérant 63, 1ère phrase du RGPD?

L’article 15 du RGPD garantit aux personnes concernées, un droit d’accès à leurs données personnelles faisant l’objet d’un traitement. A ce titre, il impose au responsable du traitement de fournir une copie de ces données. Ici, le médecin est considéré comme « responsable du traitement », il est donc soumis aux obligations qui lui incombent. De ce fait, il doit garantir un accès aux données à caractère personnel à la demande de son patient. L’article 12§5 quant à lui, prévoit qu’aucun paiement n’est exigé pour fournir les informations, sauf en cas de demande manifestement infondée ou excessive, dans ce cas le responsable du traitement peut en exiger le paiement.

Ce qui posait problème en l’espèce, c’était la conciliation du considérant n°63, première phrase avec les autres dispositions précédemment citées. En effet, le considérant n°63 prévoit qu’une personne doit avoir accès à ses données personnelles, afin de prendre connaissance du traitement en d’en vérifier la licéité. Par conséquent, la juridiction de renvoi déduisait de ce considérant que le principe de gratuité ne s’appliquait pas forcément lorsque l’objet du traitement était autre. La CJUE rappelle ici que le préambule d’un acte de l’Union n’a aucune valeur contraignante, et ne permet pas de déroger aux règles du RGPD, qui elles, disposent d’une force contraignante.

En l’espèce, le patient réclamait une première copie de son dossier médical afin d’engager la responsabilité du médecin. 

A ce titre, la CJUE répond que ni l’article 12, ni l’article 15 du RGPD ne conditionnent l’accès à une copie, à titre gratuit, à un motif de demande spécifique. La CJUE affirme que l’interprétation des articles 12§5, 15§1 et 15§3 du RGPD mène à une obligation de fournir gratuitement, une première copie de « ses données à caractère personnel faisant l’objet d’un traitement s’impose au responsable du traitement même lorsque cette demande est motivée dans un but étranger à ceux visés au considérant 63, première phrase, dudit règlement. ». Ainsi, la Cour ajoute que le patient n’a pas à justifier de la raison pour laquelle il demande l’accès à son dossier médical.

En d’autres termes, cela signifie qu’un médecin doit obligatoirement fournir gratuitement une première copie du dossier médical lorsqu’elle est demandée, et ce, peu importe le motif de cette demande. 

  1. Les restrictions possibles au droit d’accès gratuit 

Bien que le droit d’accès soit un principe fondamental du RGPD, il n’en demeure pas moins que le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu, et qu’il est possible de s’y voir opposer des restrictions. Le considérant 4 prévoit qu’il doit être en équilibre avec les autres droits fondamentaux. 

L’article 12§5 du RGPD pose le principe selon lequel l’exercice du droit d’accès de la personne concernée à ses données faisant l’objet d’un traitement et aux informations n’entraîne aucun frais pour la personne concernée. Cependant, cet article dispose également qu’il existe deux raisons pour lesquelles un responsable du traitement, en l’occurrence ici le médecin, peut soit facturer des frais raisonnables « tenant compte des coûts administratifs », ou bien de refuser de donner suite à une demande. C’est le cas notamment lors d’un abus de droit, « dans lesquels les demandes de la personne concernée sont « manifestement infondées » ou « excessives », « notamment en raison de leur caractère répétitif ». De plus, seule la première copie du dossier médical se voit imposer le principe de gratuité, les autres copies peuvent être demandées à des « frais raisonnables », en vertu de l’article 15§3 du RGPD. En l’espèce, la juridiction de renvoi a relevé que la demande du patient n’était pas abusive.

Ce qui était demandé à la CJUE en l’espèce, c’est s’il était possible que la législation allemande, au regard de l’article 23§1, sous i) du RGPD, mette à la charge du patient les frais d’une première copie de son dossier médical afin de protéger les intérêts économiques du médecin.

La CJUE relève que le RGPD autorise des restrictions nationales par l’article 23§1, sous i), et ce, afin de protéger les droits et libertés d’autrui. En l’espèce, si le principe de gratuité avait été écarté, c’était pour «protéger les intérêts économiques des praticiens, ce qui dissuaderait les patients de formuler inutilement des demandes de copie de leur dossier médical ». Cependant, la CJUE rappelle « l’importance qu’attribue le RGPD au droit d’accéder aux données de caractère personnel ». Par conséquent, ce droit d’accès ne peut pas être limité par les législations nationales. A ce titre, la CJUE considère que « la poursuite de l’objectif lié à la protection des intérêts économiques des praticiens ne saurait justifier une mesure conduisant à la remise en cause du droit d’obtenir, à titre gratuit, une première copie ». De ce fait,  elle n’autorise pas la législation nationale à mettre à la charge du patient les frais d’une première copie du dossier médical pour préserver les intérêts économiques des praticiens.

  1. La copie intégrale du dossier médical

Il était également demandé à la CJUE si l’article 15§3 du RGPD donnait un droit d’accès à une copie intégrale du dossier médical ou seulement à une copie des données en tant que telles. 

L’article 15§3 du RGPD donne le droit au patient d’obtenir une reproduction fidèle de son dossier médical. La CJUE affirme que pour obtenir une telle reproduction, les données doivent donc être fidèles, exactes et exhaustives, garantissant la compréhension de ces dernières. L’article 15 du RGPD implique alors la fourniture d’une copie contenant l’ensemble des données à caractère personnel faisant l’objet d’un traitement, et ce, dans un souci d’intelligibilité des données. En effet, il se peut que fournir seulement des extraits de documents, ne permettent pas de comprendre l’ensemble des données. C’est pourquoi, lorsque le patient demande une copie de son dossier médical, il doit avoir accès en intégralité, à des « diagnostics, des résultats d’examens, des avis de médecins traitants et tout traitement ou intervention administrés à celle-ci ».

Par conséquent, cet arrêt de la CJUE permet de souligner le droit d’accès dont bénéficie le patient en y précisant les modalités. Lorsqu’un patient souhaite avoir accès à son dossier médical auprès du médecin, responsable du traitements des données, il doit y avoir accès en intégralité, à titre gratuit lors d’une première demande. 

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