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La crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 a profondément bouleversé l’organisation
des soins et accéléré l’adoption des outils numériques dans le domaine médical. Parmi ces
transformations, la téléconsultation s’est imposée comme un instrument incontournable,
permettant de garantir la continuité des soins tout en respectant les contraintes sanitaires. Ce
contexte exceptionnel a conduit les pouvoirs publics à assouplir les règles encadrant la
pratique à distance, autorisant les professionnels de santé à exercer par voie numérique dans
des conditions jusqu’alors strictement limitées.


Or, ce régime transitoire a généré une perception erronée chez certains professionnels
libéraux, qui tendent à considérer la téléconsultation comme une modalité simple, dénuée de
toute condition particulière ou obligation déontologique. Cette vision réductrice occulte les
exigences essentielles en matière de sécurité du patient, confidentialité des données,
traçabilité des actes et respect du cadre légal. Elle soulève ainsi des questions cruciales sur la
responsabilité professionnelle et la conformité réglementaire, dans un environnement où la
souplesse temporaire offerte pendant la crise ne saurait être assimilée à une permissivité
durable.


Dès lors, il apparaît nécessaire d’analyser les conditions et limites de la téléconsultation postCOVID, en mettant en lumière les risques juridiques encourus par les professionnels qui se
contenteraient d’une interprétation trop simpliste de ce qui leur est permis. L’objectif est
double : rappeler que la sécurité et la qualité des soins demeurent prioritaires, et souligner que
la facilité apparente de la téléconsultation ne dispense aucunement de respecter les règles
déontologiques et légales qui encadrent l’exercice de la médecine libérale.

  1. Les conditions d’éligibilité du patient
    En principe, la téléconsultation doit s’inscrire dans le parcours de soins coordonné institué par
    la loi du 13 aout 2004 laquelle visait à introduire une réforme structurelle de l’assurance
    maladie. Ainsi, elle est possible :
  • pour un patient connu du praticien, ou adressé par son médecin traitant ;
  • pour des motifs médicaux compatibles avec une prise en charge à distance (hors
    urgence vitale).
    Des dérogations sont néanmoins prévues (ex. absence temporaire du médecin traitant, accès
    facilité pour les zones sous-denses, ou encore primo-consultation dans certaines spécialités).
  1. Les conditions techniques et matérielles
    Le professionnel libéral doit s’assurer que :
  • la solution de téléconsultation utilisée est conforme aux normes de sécurité et de
    protection des données de santé (hébergement certifié HDS) ;
  • la qualité de la connexion et des outils permet une évaluation clinique satisfaisante ;
  • un espace adapté garantit la confidentialité des échanges.
    Le patient doit, de son côté, disposer d’un équipement permettant la visioconsultation
    (ordinateur, tablette ou smartphone avec caméra et connexion internet suffisante).
  1. La facturation et la prise en charge
    La téléconsultation est rémunérée selon les mêmes tarifs qu’une consultation en présentiel,
    sous réserve du respect des conditions fixées par la convention médicale.
    L’acte doit être facturé via la nomenclature en vigueur et ouvre droit à remboursement par
    l’Assurance Maladie, dans les conditions habituelles du parcours de soins :
  • La téléconsultation doit s’inscrire dans le respect du parcours de soins coordonné avec
    orientation préalable du médecin traitant
  • Le suivi régulier et de qualité des patients, implique une alternance nécessaire de
    consultations en présentiel et de téléconsultations
  • La téléconsultation doit s’inscrire dans une logique d’ancrage territorial de réponse
    aux soins.
    5.Conditions de validité et de remboursement des
    téléconsultations pour les professionnels libéraux
    a. Conditions de prise en charge par l’Assurance Maladie
    Pour qu’une téléconsultation soit remboursée, elle doit respecter plusieurs conditions
    cumulatives :
  • Parcours de soins coordonné : Le patient doit être orienté par son médecin traitant
    vers le médecin téléconsultant, sauf exceptions (accès direct à certains spécialistes,
    urgence, absence de médecin traitant, etc.).
  • Alternance présentiel/téléconsultation : Le suivi du patient doit alterner entre
    consultations en présentiel et téléconsultations, selon les besoins médicaux.
  • Territorialité : Le médecin téléconsultant doit être situé à proximité du domicile du
    patient pour assurer un suivi régulier et organiser des consultations en présentiel si
    nécessaire.
  • Consentement éclairé : Le patient doit être informé des conditions de réalisation de la
    téléconsultation et avoir donné son consentement préalable.
  • Qualité des soins : La téléconsultation doit être réalisée dans des conditions
    permettant de garantir la sécurité des données, la traçabilité et la confidentialité des
    échanges.
    b. Tarification et remboursement
  • Tarifs : Les actes de téléconsultation sont facturés au même tarif que les consultations
    en présentiel :
    o Médecin généraliste : 25 €
    o Spécialiste (hors Optam) : 23 €
    o Spécialiste (Optam) : 30 €
    o Psychiatre (hors Optam) : 42,50 €
    o Psychiatre (Optam) : 50,20 €
    o Gynécologue (hors Optam) : 23 €
    o Gynécologue (Optam) : 32 €
  • Remboursement : L’Assurance Maladie rembourse 70 % du tarif, le reste étant pris
    en charge par la complémentaire santé du patient.
    c. Exceptions au parcours de soins coordonné
    Certaines situations permettent de déroger au respect du parcours de soins :
  • Accès direct à certains spécialistes (gynécologie, ophtalmologie, psychiatrie, etc.).
  • Patients âgés de moins de 16 ans.
  • Absence de médecin traitant ou indisponibilité de celui-ci dans un délai compatible
    avec l’état de santé du patient.
  • Situation d’urgence.
  • Personnes détenues ou résidant en établissement pour personnes âgées dépendantes
    (EHPAD) ou établissements accueillant des personnes handicapées.
    d. Limites de l’activité de téléconsultation
  • Un médecin conventionné ne peut pas réaliser plus de 20 % de son volume d’activité
    global en téléconsultations et téléexpertises cumulées sur une année civile.
  • La téléconsultation ne peut pas être utilisée pour prescrire ou renouveler un arrêt de
    travail pour une durée supérieure à 3 jours, sauf exceptions (arrêt prescrit par le
    médecin traitant ou impossibilité de consulter en présentiel).
    ✅ Check-list pratique pour la téléconsultation
  1. Vérification préalable
  • Le patient est informé que la consultation se fait à distance.
  • Consentement explicite du patient obtenu pour la téléconsultation et l’usage de ses
    données.
  • Vérification que le patient peut bénéficier d’un suivi en télémédecine (pathologie
    adaptée).
  1. Identification et compétence
  • Vérifier son inscription à l’Ordre des médecins dans le département de son exercice
    habituel.
  • S’assurer que la situation du patient ne nécessite pas un examen physique
    immédiat.
  1. Sécurité et confidentialité
  • Utiliser une plateforme de téléconsultation cryptée et sécurisée.
  • Limiter la collecte de données au strict nécessaire.
  • S’assurer que le secret médical est respecté à chaque étape.
  1. Examen et diagnostic
  • Adapter l’examen à distance aux limites techniques de la consultation.
  • Noter toutes les observations et informations obtenues.
  • Si l’examen est insuffisant, orienter vers une consultation présentielle.
  1. Prescription et traitement
  • Vérifier que toute prescription est adaptée malgré l’absence d’examen physique
    complet.
  • Documenter les raisons et les justifications de la prescription dans le dossier médical.
  1. Traçabilité et documentation
  • Enregistrer tous les échanges dans le dossier médical.
  • Conserver toutes les pièces et documents échangés.
  • Noter l’heure et la durée de la consultation.
  1. Assurance et protection juridique
  • Vérifier que son assurance responsabilité civile professionnelle couvre la
    téléconsultation.
  • Préparer une documentation pour se protéger en cas de litige (messages, captures,
    rapports).
  1. Suivi et vigilance
  • Assurer un suivi du patient selon les besoins.
  • Mettre à jour le dossier médical en continu.
  • Respecter les obligations légales et déontologiques comme en consultation classique
    Sources :
  1. Code de la santé publique (CSP)
    o Articles R6316-1 et suivants : Définit la télémédecine comme une pratique
    médicale utilisant les technologies de l’information et de la communication
    ,précisent les conditions de mise en œuvre (qualité des soins, information du
    patient, consentement, traçabilité).
  2. Règlement général sur la protection des données (RGPD) – Règlement (UE)
    2016/679
  3. Code de la santé publique – Hébergement de données de santé (HDS)
    o Articles L1111-8 et R1111-9 à R1111-16 : imposent que toute donnée de
    santé hébergée par un tiers le soit par un hébergeur certifié HDS.
  4. Référentiels et recommandations de la HAS et du CNOM
    o La Haute Autorité de Santé (HAS) et le Conseil National de l’Ordre des
    Médecins (CNOM) exigent que la qualité technique de la téléconsultation
    permette un diagnostic fiable et que la confidentialité soit respectée (espace
    privé, outils sécurisés).

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