Lorsqu’un établissement privé de santé souhaite participer au service public hospitalier, il doit solliciter une habilitation auprès de l’ARS. En vue de l’obtenir, il doit se à l’article L. 6112-2 du code de la santé publique qui dispose notamment que les établissements assurant le service public hospitalier et les professionnels de santé y exerçant ne peuvent pas pratiquer de dépassement d’honoraires[1]
Ce principe s’applique à tous les établissements assurant le service public hospitalier, public et privé. Aucun dépassement d’honoraires ne peut donc être réalisés par les praticiens exerçant dans ces établissements.
Cependant, dans les établissements publics, les praticiens hospitaliers statutaires temps plein des établissements publics de santé peuvent être autorisés à exercer une activité libérale, conformément à l’article L. 6154-2 du code de la santé publique[2]. Dans ce cas, l’ordonnance du 12 janvier 2017 de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, ratifiée par la loi du 23 octobre 2017, a ouvert au pouvoir réglementaire la possibilité de déroger, pour les seuls praticiens statutaires des établissements publics de santé, à l’interdiction des dépassements d’honoraires visés à l’article L. 6112-2 du Code de santé public.
Cette disposition crée donc un traitement distinct entre les professionnels participant au service public hospitalier : Les praticiens libéraux intervenant dans un établissement privé habilité au service public hospitalier ne peuvent pas faire de dépassement d’honoraires. En revanche, les praticiens hospitaliers statutaires pourraient y être autorisés.
Deux cliniques qui se sont vu refuser une habilitation au service public hospitalier, ont profité de l’instance engagée contre le refus d’habilitation pour interroger le juge administratif sur la constitutionnalité de l’article L. 6154-2, II du code de santé publique. Selon elle, la dérogation à l’interdiction de dépassement d’honoraires pour les praticiens hospitaliers, introduite par l’ordonnance du 12 janvier 2017, viendrait méconnaître le principe d’égalité protégé par la constitution, et plus particulièrement l’égalité entre praticiens des établissements publics de santé et des établissements privés de santé habilités à assurer le service public hospitalier.
Le Conseil d’Etat a effectivement considéré que la question était sérieuse. Il l’a donc transmise au Conseil constitutionnel qui, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), a validé la possibilité pour les PH de facturer des dépassements dans le cadre de leur activité libérale à l’hôpital public.
En premier lieu, il rappelle que la possibilité de pratiquer des dépassements d’honoraires dans un établissement public ne remet pas en cause l’appartenance de ces établissements au service public hospitalier (SPH) :
« Lorsqu’ils exercent une activité libérale au sein de leur établissement, les praticiens des établissements publics de santé n’interviennent pas dans le cadre du service public hospitalier ». Cette position résulte du choix laissé au patient qui décide s’il souhaite bénéficier d’une prestation assurée soit par un médecin exerçant à titre libéral « en dehors du cadre » du service public hospitalier (sans garantie d’absence de dépassements) ou par un praticien intervenant dans le cadre du service public, alors tenu aux tarifs opposables. Ainsi, pour le Conseil constitutionnel, dès lors que les patients sont bien informés, il n’y aurait donc aucune différence de traitement entre les patients accueillis à l’hôpital.
En second lieu, le Conseil constitutionnel souligne que les praticiens du public qui peuvent bénéficier de la dérogation, en raison de leur statut, « sont tenus de consacrer la totalité de leur activité professionnelle à leurs fonctions hospitalières et universitaires ». Il en va différemment des médecins libéraux employés par une clinique assurant le service public hospitalier « qui n’ont pas nécessairement vocation à y consacrer l’intégralité de leur carrière et qui ne sont pas tenus d’exercer à plein temps leur activité au sein de cet établissement ». Ces derniers peuvent donc exercer d’autres activités médicales autorisant des dépassements, dans le cadre de la médecine de ville par exemple. La différence de traitement reposerait donc sur une différence de situation. Le principe d’égalité n’est donc pas rompu.
Cette différence s’explique aussi, selon les juges, par le fait que l’activité libérale des PH est strictement encadrée. Par exemple, la durée de l’activité libérale ne doit pas excéder 20 % de la durée de service hospitalier hebdomadaire. Le nombre de consultations et d’actes effectués au titre de l’activité libérale doit être inférieur au nombre de consultations et d’actes effectués au titre de l’activité publique. Enfin, aucun lit ni aucune installation médico-technique ne doit être réservé à l’activité libérale, pratique qui permet d’améliorer l’attractivité des carrières hospitalières publiques. Dans la mesure où la possibilité de faire des dépassements contribue à cette attractivité, « la différence de traitement contestée est en rapport direct avec l’objet de la loi ».
Sources : CE, 12
avr. 2019, n° 427173 et Cons. Const. décision n° 2019-792QPC du 21 juin 2019
[1] « Les établissements de santé assurant le service public hospitalier et les professionnels de santé qui exercent en leur sein garantissent à toute personne qui recourt à leurs services : […] 4° L’absence de facturation de dépassements des tarifs fixés par l’autorité administrative et des tarifs des honoraires prévus au 1° du I de l’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale. […] »).
[2] (« L’activité libérale peut comprendre des consultations, des actes et des soins en hospitalisation ; elle est organisée de manière à garantir l’information des patients et la neutralité de leur orientation entre activité libérale et activité publique ; elle s’exerce exclusivement au sein des établissements dans lesquels les praticiens ont été nommés ou, dans le cas d’une activité partagée, dans l’établissement où ils exercent la majorité de leur activité publique, à la triple condition : / 1° Que les praticiens exercent personnellement et à titre principal une activité de même nature dans le secteur hospitalier public ; / 2° Que la durée de l’activité libérale n’excède pas 20 % de la durée de service hospitalier hebdomadaire à laquelle sont astreints les praticiens ; / 3° Que le nombre de consultations et d’actes effectués au titre de l’activité libérale soit inférieur au nombre de consultations et d’actes effectués au titre de l’activité publique. / Aucun lit ni aucune installation médico-technique ne doit être réservé à l’exercice de l’activité libérale. / Des dispositions réglementaires fixent les modalités d’exercice de l’activité libérale. »