Le Conseil national de l’ordre des médecins a suspendu M. A., médecin spécialiste qualifié en chirurgie générale, du droit d’exercer la médecine jusqu’à la constatation de son aptitude par une expertise effectuée par des experts choisis dans les conditions de l’article R. 4124-3 du code de la santé publique.
La mesure de suspension d’exercice constitue une mesure de protection, prononcée par le conseil de l’ordre des médecins est en « cas d’infirmité ou d’état pathologique rendant dangereux l’exercice de la profession ». Elle se distingue de la suspension immédiate, prononcée par le représentant de l’État dans le département ou le directeur de l’ARS « en cas d’urgence lorsque la poursuite de son exercice par le médecin expose ses patients à un danger grave » (art. L. 4113-14 CSP).
Décidée pour une durée déterminée, elle est renouvelable, suite à la production d’un rapport d’expertise motivé, établi à la demande du conseil par trois médecins experts désignés. Le praticien ayant fait l’objet d’une telle mesure ne peut reprendre l’exercice de la médecine sans que le conseil départemental ait fait procéder, à la demande de l’intéressé, à une nouvelle expertise.
A l’issue de cette procédure, si une sanction est prononcée, le juge administratif peut être saisi. Il exerce alors un contrôle normal. Toutefois, les chances de succès d’une telle action restent faibles, la jurisprudence en la matière ayant tendance à valider la décision de l’ordre prise sur la base du rapport d’expertise. Une telle tendance est certainement due à la technicité de la matière et à la présence d’une expertise médicale plutôt éclairante.
Néanmoins, il ne faut pas fermer tout recours puisqu’en matière de sanction, le juge de cassation est tenu de vérifier que la sanction retenue est proportionnée à la faute commise. Dans le cadre précis de la suspension d’exercice, il exerce un contrôle entier sur le principe et la durée de la suspension (CE 6 mai 2019, n° 414841).
Dans le cas d’espèce, le juge annule ainsi la décision du conseil national suspendant le droit d’exercer par le médecin jusqu’à constatation de son aptitude par une expertise médicale. L’annulation de la décision réside moins dans le principe de la suspension que dans l’absence de fixation d’une durée déterminée pour la sanction. Une suspension est valable, pour autant qu’elle soit temporaire. En ce sens, le conseil de l’ordre des médecins a fait une inexacte application des dispositions de l’article R. 4124-3 CSP et doit statuer à nouveau sur le cas de M. A.
Cette décision permet de confirmer que l’ordre n’est pas pleinement autonome dans sa pratique et peut faire l’objet d’un contrôle du juge.
Source : CE, 3 décembre 2020, n° 431987