Un patient consulte un praticien hospitalier dans le cadre de son activité libérale. Au cours de ce suivi, il est diagnostiqué une tumeur osseuse. Le patient est opéré par le praticien hospitalier dans le cadre du service public hospitalier. Estimant que des fautes liées au retard de diagnostic de sa maladie osseuse, au choix de l’indication thérapeutique dont la mise en œuvre était de nature à favoriser l’essaimage de cellules cancéreuses dans les tissus mous et à un manquement quant à l’obligation d’information préalable à cette intervention, avaient été commises, M. C. a saisi le tribunal administratif de d’une demande de réparation dirigée contre l’établissement de santé qui a été condamné du montant des préjudices subis par ce dernier du fait d’un choix thérapeutique erroné. En appel, le centre hospitalier a encore été condamné, en lui imputant la faute procédant d’une indication thérapeutique erronée et d’un manquement à l’obligation d’information du patient.
Décision qui peut paraître étonnante puisque le diagnostic avait été posé au cours d’une consultation libérale du praticien hospitalier, tout comme le choix thérapeutique. La question est plus délicate concernant le défaut d’information dès lors que le patient est opéré dans le cadre du service public hospitalier.
L’apport de cet arrêt est double.
Concernant le défaut d’information :
Le Conseil d’Etat rappelle que si les rapports qui s’établissent entre les praticiens hospitaliers exerçant une activité libérale et leurs patients traités à ce titre relèvent du droit privé, la responsabilité de l’établissement public de santé dans lequel le patient a été pris en charge dans le cadre de l’activité libérale du praticien peut néanmoins être engagée.
En effet, l’obligation d’information du patient sur les risques attachés à l’intervention chirurgicale, en application des dispositions de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique, doit avoir été délivrée en principe par le praticien hospitalier. Ainsi, quand bien même elle est délivré dans le cadre de l’activité libérale du praticien, l’obligation d’information est rattachée à l’acte chirurgical exercé dans le service public hospitalier :
« en cas d’omission ou d’insuffisance de l’information délivrée par le praticien dans le cadre de son activité libérale, et si cette information n’a pas été délivrée dans le cadre de la prise en charge par le service public hospitalier, le patient, peut se prévaloir du manquement qui résulte de ce défaut d’information pour rechercher la responsabilité de l’établissement public de santé, sans préjudice de l’action récursoire que cet établissement peut former contre le praticien hospitalier au titre de la faute commise dans le cadre de son activité libérale ».
Concernant le choix diagnostic : Le Conseil d’Etat tire également les conséquences de la prise en charge, en retenant la responsabilité de l’établissement concernant le choix de la thérapeutique mise en œuvre au cours de l’intervention chirurgicale.
Il rappelle qu’il appartient au praticien de s’assurer, au vu des données médicales dont il dispose, de la pertinence de l’indication thérapeutique. Il s’ensuit que lorsque l’intervention est réalisée au sein du service public, y compris par un praticien hospitalier qui a lui-même posé l’indication thérapeutique dans l’exercice de son activité libérale, « la faute commise dans le choix de cette indication thérapeutique est de nature à engager la responsabilité du service public hospitalier, alors même que l’exécution de l’opération n’a pas été par elle-même fautive ». Il est toutefois loisible à l’établissement public « de former une action récursoire contre l’auteur initial du choix thérapeutique à l’origine de la faute commise ».
Et pour cause, le choix thérapeutique s’apprécie également au jour de l’intervention, au regard de l’état de santé du patient. Le Conseil d’Etat considère donc qu’il n’est pas détachable de l’intervention réalisé dans le cadre du service public hospitalier.
Il s’agit d’un arrêt protecteur des intérêts des patients qui ne perçoivent pas toujours qu’ils sont pris en charge dans le cadre de l’activité libérale du praticien hospitalier, ce qui leur permet également d’avoir un interlocuteur solvable. Mais cet arrêt est surtout protecteur des intérêts des praticiens hospitaliers, car peut d’actions récursoires sont intentés par les établissements dans ces hypothèses (sauf à ce que les assureurs assurent la direction du procès…).
Source : Conseil d’Etat, 6 octobre 2022, n° 446764