Dans un récent arrêt, la Cour de cassation rappelle les modalités d’indemnisation d’une victime lorsque son préjudice peut trouver son origine dans différentes causes.
LES FAITS : Une femme est frappée d’infertilité. Deux causes possibles sont identifiées : une infection (Chlamydia) et l’exposition au distilbène. Les experts ayant été consultés n’ont pu déterminer la cause certaine du dommage, estimant qu’il existait 40 % de chances que celui-ci se rattache à l’exposition au distilbène.
PROCEDURE : Devant la cour d’appel, la personne affectée et son époux demandaient réparation de leurs préjudices découlant directement de l’infertilité, mais également, pour la seule victime directe, du préjudice d’anxiété lié à son exposition, in utero, au distilbène au regard des conséquences possibles de cette exposition. Le recours était formé à l’encontre de la société pharmaceutique ayant produit le distilbène de réparer les préjudices.
Pour refuser de condamner la société pharmaceutique à la réparation du préjudice d’anxiété de la victime, la cour d’appel avait retenu d’une part que le lien entre l’exposition au distilbène et l’infertilité n’était, en l’espèce, pas établi, d’autre part que le préjudice allégué était lié aux circonstances angoissantes du suivi médical et non de l’exposition au distilbène.
CONCERNANT L’INFERTILITE : La Cour de cassation se fonde sur l’article 1240 du code civil pour retenir que « Il résulte de ce texte qu’ouvre droit à réparation le dommage en lien causal avec une faute, même si celle-ci n’en est pas la seule cause ». Elle en déduit que, comme la cause de l’infertilité peut autant être l’infection ou l’exposition au distilbène, la responsabilité du laboratoire pharmaceutique doit être retenue.
CONCERNANT LE PREJUDICE D’ANXIETE : Elle retient également que « le préjudice d’anxiété invoqué résultait de l’exposition au DES et des risques qui en découlent ». En effet, le préjudice d’anxiété n’est pas lié à la réalisation effective du dommage redouté, mais au fait de savoir qu’on a été exposé à une substance susceptible de conduire à de graves conséquences. Il n’est donc pas besoin, pour prononcer des dommages et intérêts au regard de ce préjudice, que le lien de causalité entre un fait générateur potentiel et le dommage effectivement réalisé soit établi.
Ainsi, en cas d’exposition à une substance dont il est avéré qu’elle présente un danger sérieux, un tel préjudice ne peut raisonnablement être écarté que dans une hypothèse : celle dans laquelle le dommage survient avant que la victime ait conscience du risque pesant sur elle.