A la suite d’un contrôle de l’application des règles de tarification et de facturation des actes professionnels, la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis (la CPAM) a notifié, fin 2016, à un médecin généraliste libéral (le professionnel de santé), un indu de près de 130.000 € relatif à la facturation de majorations de nuit et de majorations pour dimanches et jours fériés, pour la période du 17 février 2013 au 20 septembre 2016.
Cet indu a été révélé à la suite d’un contrôle administratif de facturation, à savoir l’exploitation par analyse et recoupement des documents émanant du professionnel de santé (télétransmissions et tableaux de garde complétés). En revanche, il n’a pas été fait d’acte de vérification ou d’enquête, notamment pas d’audition, de transport ou de constatation matérielle sur place.
Le professionnel de santé conteste l’indu notifié, mais son recours est rejeté tant en première instance qu’en appel. La Cour de cassation est alors saisie sur deux contestations élevées par le professionnel de santé, qu’elle rejette également.
1er apport : les dispositions sur le serment et l’agrément ne sont pas applicables au contrôle de la facturation…
Nouvelle victoire pour la CPAM. La Cour de cassation considère que les dispositions de l’article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, qui habilitent les directeurs des organismes de sécurité sociale à confier à des agents assermentés et agréés dans les conditions fixées par voie réglementaire, ainsi qu’à des praticiens conseils et auditeurs assermentés et agréés dans les mêmes conditions, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l’attribution des prestations, le contrôle du respect des conditions de résidence et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles, ne sont pas applicables aux contrôles de l’observation des règles de tarification et de facturation des actes, prestations, produits, fournitures et frais par les professionnels de santé, les établissements de santé et les prestataires et fournisseurs, qui obéissent exclusivement aux dispositions de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale et aux dispositions réglementaires prises pour leur application.
L’arrêt relève qu’à l’occasion du contrôle administratif de facturation, les agents de la caisse ont procédé uniquement à l’exploitation par analyse et recoupement des documents émanant du professionnel de santé, consistant en ses télétransmissions pour le versement de prestations et en ses tableaux de garde complétés. Il retient que ces agents n’ont donc procédé à aucun acte de vérification ou d’enquête au sens de l’article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, notamment aucune audition, transport ou constatation matérielle sur place.
2nd apport : Le contrôle de facturation n’entraîne pas une appréciation sur le comportement d’une personne
Il s’agit d’un principe de base : le contrôle de la facturation est un contrôle matériel du respect des règles de la NGAP et non un contrôle de la manière de pratiquer du professionnel de santé contrôlé.
Conformément à l’article 10, alinéa 1, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, applicable au litige, aucune décision de justice impliquant une appréciation sur le comportement d’une personne ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé de données à caractère personnel destiné à évaluer certains aspects de sa personnalité.
Or, le traitement automatisé des télétransmissions adressées par le professionnel de santé à la caisse n’était pas destiné à établir le profil de celui-ci, ni à évaluer certains aspects de sa personnalité. La caisse pouvait donc produire ces données pour rapporter la preuve du non-respect des règles de tarification et de facturation fixées par l’article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale.
Conclusion : On retiendra de cet arrêt qu’il ressert l’étau sur les professionnels de santé contrôlés. D’une part, un contrôle de facturation n’induit pas nécessairement une audition des patients ou un contrôle sur site et peut donc reposer sur une simple analyse des données télétransmises (ce qui est très généralement le cas). D’autre part, le contrôle est purement matériel et n’implique pas une appréciation de la manière d’exercer de la personne contrôlée. Espérons que ce second point permettra d’éviter les jugements de valeur, notamment lorsque les poursuites sont engagées devant la section des assurances sociales de l’ordre professionnel.
Source : Cass. civ. 2ème, 1er décembre 2022, n° 20-22.759