Dans un récent arrêt, le Conseil d’Etat rappelle que si la formation restreinte du Conseil national de l’Ordre des médecins peut prononcer une suspension d’un médecin pour exercice dangereux lié à son état de santé, celle-ci ne doit pas être excessive.
LES FAITS : Un médecin généraliste a cessé son activité pendant plus de sept ans pour des raisons personnelles, tenant notamment à l’accompagnement de son père en fin de vie. Ce médecin a souhaité se réinstaller en décembre 2021. Au regard de la longue interruption qui a précédé sa demande, les instances ordinales ont organisé des entretiens en vue d’évaluer ses connaissances et sa pratique et procéder le cas échéant à une mise à niveau. Ce médecin a très rapidement contesté la nécessité d’évaluer ses connaissances et a commencé à adresser des messages déplacés à l’un des médecins auprès duquel elle effectuait un stage d’observation.
LA PROCEDURE : Estimant que ces messages dénotaient une certaine confusion mentale, le conseil départemental de l’ordre des médecins a demandé au conseil régional de l’ordre qu’il soit fait application des dispositions de l’article R. 4124-3 du code de la santé publique régissant la procédure de suspension temporaire du droit d’exercer la profession de médecin dans le cas d’infirmité ou d’état pathologique rendant dangereux l’exercice de la profession.
Le conseil régional ne s’est pas prononcé dans le délai de deux mois qui lui était imparti en application de l’article R. 4124-3 du code de la santé publique. La demande a, dès lors, été transmise à la formation restreinte du CNOM qui a décidé de procéder à la suspension de ce médecin de son droit d’exercer la médecine pour une durée de trois ans et a subordonné la reprise de son activité professionnelle aux résultats d’une nouvelle expertise.
Ce médecin demande l’annulation de cette décision.
LA QUESTION DE DROIT : Contestant la mesure de suspension dont il faisait l’objet, le médecin s’interroge sur le bien-fondé de la mesure et sa durée. Comment doit être justifiée la mesure de suspension, tant dans son principe que dans son quantum ?
LA SOLUTION : Dans ses conclusions, le rapporteur public rappelle que la mesure de suspension est une mesure de police qui doit, pour être légale, être strictement nécessaire et proportionnée. S’appuyant sur le rapport d’expertise, le Conseil d’Etat constate que le médecin fait preuve d’ « un fonctionnement psychique ancien et fixé, marqué par la fausseté du jugement et les idées de référence sensitives et persécutives ». Il en déduit que le principe de la suspension était justifiée.
En revanche, le Conseil d’Etat a estimé qu’en fixant à trois ans la durée de cette suspension, alors qu’en dépit des termes de l’expertise, les pièces du dossier ne permettaient pas d’exclure que la pathologie de ce médecin, qui n’était alors pas prise en charge, soit à une plus proche échéance, traitée et, le cas échéant, stabilisée, la formation restreinte du Conseil national de l’ordre des médecins avait méconnu ces mêmes dispositions. La durée retenue est donc considérée comme
EN BREF : L’existence d’une pathologie psychiatrique ne doit pas être considérée, ipso facto, comme dangereuse pour l’exercice de la profession. Les juges, qui exercent un contrôle normal, doivent apprécier si la pathologie, par ses effets, rend dangereux l’exercice de la profession. En cas de suspension, sa durée doit rester proportionnée à une évaluation réaliste de la durée nécessaire pour que le praticien ait une chance raisonnable de retrouver un état compatible avec l’exercice médical. La reprise des fonctions étant en tout état de cause subordonnée à une nouvelle expertise.
Source : Conseil d’État, 4ème chambre jugeant seule, 22 août 2023, 470285