Les infections nosocomiales, considérées comme un fléau de santé publique, ne cessent d’alimenter les réflexions et les discussions notamment dans la jurisprudence française.
Le cas de la responsabilité en cas d’infection nosocomiale est prévu par l’article 1142-1 al 2 du Code de la santé publique (CSP).
En effet, ce texte énonce que la responsabilité d’un établissement de santé peut être engagée en cas de dommages résultant des infections nosocomiales, à moins qu’ils ne parviennent à rapporter la preuve d’une cause étrangère. Ainsi, la loi établit un cas responsabilité sans faute.
En l’espèce, à la suite de sa prise en charge au centre hospitalier de Macon, Monsieur B a saisi le Tribunal Administratif en raison des préjudices qu’il estime avoir subi dans cet établissement. En effet, suite à une fracture du tibia, Monsieur B a subi deux interventions chirurgicales à l’issue desquelles une infection est survenue. Une nouvelle intervention est nécessaire, révélant une seconde infection ainsi qu’une seconde fracture du tibia.
Le tribunal condamne l’hôpital à verser une somme en réparation du préjudice subi.
La Cour administrative d’appel de Lyon considère que le dommage résultant de la seconde infection doit être réparée au titre de la perte de chance.
Conséquemment à cette décision Monsieur B forme un pourvoi devant le Conseil d’Etat dans le but d’obtenir l’annulation de l’arrêt rendu par la Cour d’appel.
Le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord que « dans le cas où une infection nosocomiale a compromis les chances d’un patient d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de cette infection et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter la survenue de ce dommage, la réparation qui incombe à l’hôpital devant alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue. ».
Ainsi, le dommage subi par Monsieur B en raison de l’infection nosocomiale doit être réparé sur le principe de la perte de chance.
Le Conseil d’Etat envisage ensuite le cas où une seconde infection nosocomiale est contractée.
Il utilise le même raisonnement et considère que
« lorsque, à la suite d’une première infection nosocomiale, un patient fait l’objet d’une nouvelle prise en charge au cours ou au décours de laquelle apparaît une seconde infection nosocomiale, et que ce patient demande la réparation d’un nouveau dommage auquel cette seconde infection nosocomiale a compromis ses chances d’échapper. ».
Le Conseil d’Etat précise que par contre, si l’on est certain que ce nouveau dommage n’aurait pas eu lieu sans la première infection nosocomiale, c’est le dommage corporel qui doit être indemnisé, et non la perte de chance d’éviter ce dommage.
Le Conseil d’Etat rejette donc le pourvoi formé par Monsieur B.
La doctrine trouve cette solution plutôt sévère car l’on pourrait considérer que le second dommage ne serait pas arrivé sans les infections nosocomiales successives.
Sources :
Légifrance : Conseil d’État, 5ème – 6ème chambres réunies, 13/01/2023, 453963
Dalloz : Succession d’infections nosocomiales et simple indemnisation d’une perte de chance d’éviter le dommage final RTD Civ. / Patrice Jourdain — RTD civ. 2023. 377 — 1 août 2023
Réparation d’infections nosocomiales successives Recueil Lebon – Recueil des décisions du conseil d’Etat / Conseil d’Etat 13 janvier 2023 — Lebon 15 mai 2024