Mme D. a été admise en 2006 dans le service de gynécologie obstétrique du CHU d’Amiens pour y accoucher à terme de son premier enfant. Les médecins ont extrait l’enfant par voie basse, en pratiquant une manœuvre obstétricale rendue nécessaire par le relèvement du bras du fœtus et par l’étroitesse du bassin de la parturiente. Né en état de mort apparente, il a été placé en réanimation pédiatrique puis transféré dans le service de soins intensifs où son état général a pu être stabilisé. Une paralysie du plexus brachial droit a été diagnostiquée et a nécessité une intervention chirurgicale pour réaliser une greffe de la racine rachidienne C5. L’enfant est demeuré atteint de séquelles physiques que les parents. imputent aux conditions de sa naissance.
Dans le cadre de l’action indemnitaire qu’ils ont intenté, les juges du fond ont limité leur indemnisation à la réparation d’une perte de chance d’éviter la survenance des dommages, fixée à 80 %. Les parents se sont donc pourvus en cassation pour obtenir l’indemnisation de leur entier préjudice. En effet, selon eux, ce n’est pas la perte de chance qu’il convenait d’indemniser mais les séquelles physiques dont souffrent leur fils.
Le Conseil d’Etat rappelle le principe indemnitaire :
« Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d’un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage advienne, la réparation qui incombe à l’hôpital devant alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue ».
La perte de chance (qui correspond à une fraction du dommage corporel subi) est le préjudice qu’il convient de réparer lorsqu’un établissement public commet une faute dans la prise en charge ou le traitement d’un patient qui a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation.
La question restant en suspens était de savoir si l’absence de réalisation d’une césarienne était fautive.
Pour le Conseil d’Etat, le choix de ne pas réaliser, en l’espèce, de césarienne pour l’accouchement de Mme B. constituait une faute de nature à engager la responsabilité du CHU d’Amiens. Cette faute est à l’origine directe du dommage corporel. En effet, l’arrachement du plexus brachial aurait été évité si une césarienne avait eu lieu. La perte de chance d’éviter le dommage, seul préjudice indemnisable, équivaut donc à 100% du dommage corporel subi.
Le Conseil d’Etat revoit donc l’indemnisation de l’enfant et de ses parents à la hausse.
Source : CE, 18 mars 2019, n° 417635