Vous ou l’un de vos proches avez été victimes d’un dommage au sein d’un établissement de santé ou d’un cabinet médical, et face à la diversité des recours possibles, vous ne savez pas comment choisir la meilleure voie afin de faire valoir vos droits ?
D’emblée, vous devez vous poser une question afin d’opter pour le recours à effectuer en priorité, sachant que la plupart des recours sont cumulables par la suite : est-ce que je veux « punir » celui que j’estime à l’origine de mon préjudice ?
1/ Je veux « punir » le coupable : j’opte pour le contentieux ordinal ou pénal.
Si je veux que le professionnel de santé que j’estime responsable soit sanctionné, je saisis l’Ordre dont il dépend (l’Ordre des médecins pour un médecin). Si un avocat n’est pas indispensable, il représente un atout non négligeable. Néanmoins, cette procédure ne me permettra pas d’obtenir des indemnités et si je perds, je devrai payer les frais de procédure de la partie adverse.
Je peux également (ou à défaut d’une procédure ordinale) saisir le juge pénal si un fondement pénal me le permet, comme par exemple l’homicide involontaire ou la mise en danger de la vie d’autrui. Je dois alors me faire représenter par un avocat en droit de la santé ou le cas échéant, un avocat pénaliste. Cette procédure présente un intérêt double : elle peut permettre de « punir » le responsable mais aussi d’obtenir des dommages et intérêts.
2/ Je veux simplement qu’une responsabilité soit reconnue et que mon préjudice soit réparé : je me demande si je peux saisir la Commission de conciliation et d’indemnisation (CCI).
Deux hypothèses sont envisageables et dans tous cas, vous avez 10 ans pour agir à partir de la consolidation du dommage (soit le moment à partir duquel l’état de la victime n’évoluera plus).
- Je pense remplir les conditions de saisine de la CCI : j’en profite !
Il s’agit d’une procédure de règlement amiable (sans juge) accessible à toute personne (ou son ayant droit) victime d’un accident médical, d’une affection iatrogène (effet secondaire d’un traitement), ou d’une infection nosocomiale.
Cette procédure n’est ouverte que lorsque le dommage est caractérisé par une certaine gravité : un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique (AIPP) supérieur à 24 % ; ou un arrêt temporaire des activités professionnelles (ATAP) pendant au moins 6 mois consécutifs (ou 6 mois non consécutifs sur une période de 12 mois) ; ou des gênes temporaires constitutives d’un déficit fonctionnel temporaire (DFT) supérieur ou égal à un taux de 50 % pendant au moins 6 mois consécutifs (ou 6 mois non consécutifs sur une période de 12 mois).
À titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer son activité professionnelle ou lorsque ses conditions d’existence se trouvent gravement troublées.
Pour ce recours, la loi n’oblige pas le demandeur à se faire représenter par avocat. Le requérant peut remplir lui-même un formulaire de saisine et l’envoyer en recommandé avec accusé de réception à la CCI, accompagné de certains documents justificatifs. Cependant, les chances de succès sont très nettement supérieures lorsque la démarche est effectuée par un avocat à même de présenter directement, et dans le « jargon » de la CCI, les pièces pertinentes. Car il existe un risque de rejet de la demande par la CCI si cette dernière estime que le requérant ne remplit pas les conditions de gravité. L’analyse de votre dossier médical par un avocat vous garantit donc que ce dernier présentera les éléments de telle sorte à convaincre la CCI du bien-fondé de la requête.
Si la CCI estime que la requête est recevable (ou qu’il y a de fortes chances qu’elle remplisse les conditions de recevabilité), elle saisit un expert qui aura pour mission de se prononcer sur le point de savoir si le dommage invoqué a bien été causé par l’accident dénoncé ; puis il devra évaluer les préjudices. L’assistance d’un avocat en droit de la santé est fortement recommandée à cette nouvelle étape de la procédure, pour défendre la victime, notamment face aux avocats des assureurs des professionnels de santé.
L’expertise devant la CCI présente l’avantage d’être gratuite (contrairement à celles devant les juridictions).
Lorsqu’un droit à indemnisation est reconnu par la CCI, celle-ci transmet son avis à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) s’il s’agit en définitive d’un aléa thérapeutique, ou à l’assureur du ou des professionnels de santé en cause s’il s’agit d’une faute. L’offre de ces organismes, si elle est acceptée, fait l’objet d’une transaction entre les parties et vaut accord définitif (ne pourra donc plus être contestée). C’est pourquoi cette offre doit être analysée par un avocat spécialisé, qui pourra notamment vérifier l’adéquation entre les montants proposés et les préjudices, ou s’assurer par exemple, que l’offre présente bien un caractère purement provisoire si l’état de la personne n’est pas encore consolidé (et donc avec un risque de dégradation).
Si la victime se voit refuser un droit à indemnisation par la CCI ou si elle refuse l’offre proposée par l’ONIAM ou l’assureur, elle peut alors saisir le juge judiciaire ou administratif selon l’hypothèse dans laquelle elle se trouve (voir b).
- Je ne pense pas remplir les conditions de saisine de la CCI ou celle-ci a rejeté mon recours, j’ai deux options :
- Si la personne dépend d’un hôpital public ou s’il s’agit de l’hôpital public lui-même, je dois faire une demande de règlement amiable auprès de cet hôpital. Si ce dernier ne me répond pas ou si la tentative de règlement amiable échoue, je dois saisir le tribunal administratif.
- Si la personne dépend d’un établissement privé (clinique/cabinet médical) ou s’il s‘agit de l’établissement privé lui-même, il est préférable que je fasse une demande de règlement amiable auprès de l’un ou l’autre (selon qui est concerné). Si celui-ci ne me répond pas ou si la tentative de règlement amiable échoue, je dois saisir le tribunal judiciaire.
Dans les deux cas, je dois d’abord demander au juge une expertise judiciaire et la loi impose la représentation par un avocat.
En conclusion, le choix de la procédure pertinente se fait selon la situation de la victime qui devrait faire appel à un avocat dès le début (y compris pour la procédure CCI), afin de maximiser ses chances de succès. Ceci vaut d’autant plus qu’il s’agit dans tous les cas de procédures longues (2 ans en moyenne avant l’obtention de l’indemnisation) et qu’il est toujours regrettable de perdre du temps en n’optant pas pour la meilleure voie à traverser avec les meilleures « armes ».