L’hôpital qui commet une faute en réalisant un geste chirurgical pour lequel le patient n’a pas donné son consentement doit être condamné à réparer l’intégralité des préjudices directement liés à l’intervention chirurgicale, sans qu’y fasse obstacle la survenue, pendant l’intervention, d’un accident médical non fautif remplissant les conditions de mise en œuvre de la réparation au titre de la solidarité nationale. LES FAITS : A l’occasion d’une coelioscopie sous anesthésie générale, le chirurgien trouve un volumineux nodule de la cloison recto-vaginale descendant derrière l’utérus jusqu’au rectum. Il décide de procéder à une résection rectale avec anastomose immédiate transanale en raison de la location particulière de ce nodule et des lésions importantes provoquées. Les suites de l’opération verront apparaître un hématome nécessitant un drainage et la mise en place d’une antibiothérapie. La patiente présentera également de la fièvre ainsi que des troubles de la continence fécale et une rétention urinaire. Elle a engagé une procédure indemnitaire. La CCI a conclu à une réparation des préjudices de la patiente pour moitié à la charge de l’établissement de santé et pour l’autre moitié à la charge de l’ONIAM en présence d’un accident médical non fautif. Suite à cet avis, l’assureur de l’établissement, et l’ONIAM ont chacun émis une offre d’indemnisation, jugée insuffisante par la patiente et qui décide de saisir le juge administratif. LE RAISONNEMENT DU JUGE : Lors de l’instruction du dossier, le juge a constaté que l’information fournie à la patiente portait sur la coelioscopie exploratoire et les risques de complication. En revanche, le chirurgien a pratiqué une résection rectale, opération comportant des risques spécifiques à cette chirurgie, non prévue initialement, et n’a donc pas informé la patiente de l’intervention pratiquée et ses risques. Par ailleurs, l’expert estime que si une écho-endoscopie avait été préalablement réalisée, la résection rectale aurait alors pu être organisée « à froid » afin de prévenir la requérante des risques encourus et des complications spécifiques de la chirurgie rectale. Enfin, il ressort de la même expertise que, même dans la situation de Mme A., sans écho-endoscopie antérieure et face aux constatations peropératoires, les chirurgiens auraient pu surseoir à tout geste opératoire afin d’informer la requérante de l’acte médical envisagé. Le juge en conclut que « l’information préopératoire n’a été ni adaptée ni complète et que Mme A. n’a ainsi pu avoir ni les explications nécessaires ni le temps de la réflexion concernant le geste opératoire digestif ». Il existe donc une faute de l’établissement de santé puisqu’il n’était pas démontré un cas d’urgence ou l’impossibilité de recueillir le consentement. Le juge administratif constate en outre que la dissection rectale pratiquée sur la patiente imposait aux chirurgiens de lier les vaisseaux sanguins qui vascularisent le tube digestif. Or en l’espèce, certains éléments qui innervaient le rectum et la vessie de la patiente ont également été liées pendant l’opération, entraînant alors le dysfonctionnement de ces deux organes, conduisant les experts, puis la CCI, à retenir un accident médical non fautif, et justifiant l’intervention de l’ONIAM. Le juge rappelle ainsi que « dans l’hypothèse où un accident médical non fautif est à l’origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique a fait perdre à la victime une chance d’échapper à l’accident ou de se soustraire à ses conséquences, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l’article L. 1142-1 du même code, mais l’indemnité due par l’ONIAM est réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l’ampleur de la chance perdue ». Le juge administratif en déduit que la faute commise par l’établissement, à savoir ne pas recueillir le consentement de la patiente sur la résection rectale pratiquée, constitue une faute justifiant que l’établissement répare l’intégralité des préjudices directement liés à cette intervention, même en présence d’une erreur médicale non fautive. Ainsi l’établissement est tenu à l’indemnisation de tous les préjudices sans que la responsabilité de l’ONIAM ne soit engagée. Il convient donc d’être particulièrement vigilent à l’information délivrée pour s’assurer de sa portée. Source : TA de Strasbourg, 26 janvier 2021, n° 1903711 |