Quel est l’impact d’une mesure de médiation sur les délais contentieux en matière ? C’est à cette question qu’a répondu la Cour de cassation, dans un arrêt du 12 janvier 2023 (n° 20-20.941). En effet, les articles 901 et suivants du Code de procédure civile enferment l’action ordinaire en matière d’appel dans un certain nombre de délais à respecter :
- L’appelant (i.e. le demandeur) a un délai de 3 mois pour remettre ses conclusions au greffe, à compter de la déclaration d’appel => sinon l’appel est caduque ;
- L’intimé (i.e. le défendeur) dispose d’un délai de 3 mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué => sinon les conclusions sont irrecevables ;
- En cas d’appel incident, l’intimé dispose d’un délai de 3 mois à compter de la notification qui lui en est faite pour remettre ses conclusions au greffe => sinon les conclusions sont irrecevables.
Comment s’apprécient ces délais lorsqu’une médiation est ordonner par le juge d’appel ?
LES FAITS : A la suite d’une déclaration d’appel, le conseiller de la mise en état a ordonné une médiation, précisé que la mission du médiateur prendra fin à l’expiration d’un délai initial de trois mois commençant à courir à compter de la première réunion et sursis à statuer sur toutes les demandes des parties, les délais prescrits étant interrompus. Un délai complémentaire de trois mois a été accordé au médiateur pour mener à bien sa mission (soit jusqu’au 20 février 2017). Le 26 décembre 2017, l’appelante a déposé des conclusions aux fins de reprise d’instance après médiation. Saisi de conclusions d’incident par l’intimé, le conseiller de la mise en état a déclaré caduque la déclaration d’appel par ordonnance du 17 octobre 2018.
LA DEFENSE : L’appelante évoquait les dispositions de l’article 910-2 du Code de procédure civile qui précise que la décision qui ordonne une médiation interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident. L’interruption efface le délai acquis et fait courir à l’expiration de ses effets, un nouveau délai de même durée que l’ancien. Cette interruption « produit ses effets jusqu’à l’expiration de la mission du médiateur ». Elle soutenait que :
- La décision d’ordonner une médiation interrompt le délai de trois mois pour remettre les conclusions au greffe à compter de la déclaration d’appel prévu à l’article 908 du code de procédure civile.
- La date de l’expiration de la mission du médiateur est celle où l’affaire a été rappelée à une audience à laquelle les parties ont été convoquées à la diligence du greffe.
- Lorsque la médiation continue après la date de fin de mission fixée par l’ordonnance, le délai de trois mois ne recommence à courir qu’à la fin effective de la médiation
LA QUESTION DE DROIT : Quel est l’impact de la médiation sur la suspension des délais contentieux ?
LA SOLUTION : La Cour de cassation constate que la mission du médiateur avait pris fin le 20 février 2017, c’est-à-dire à l’issue du délai de trois mois complémentaire laissé par le juge pour mener à bien la mission de médiation. C’est donc à partir de cette date que doit être décompté le délai de trois mois imparti à l’appelant pour conclure. Selon la Cour, il importe peu que le médiateur n’ait pas remis de note de fin de médiation au juge et que l’affaire n’a pas été fixée à une audience de mise en état. L’arrêt ajoute enfin que les pourparlers poursuivis de façon informelle ne sont pas de nature à interrompre les délais pour conclure.
A RETENIR : Le médiateur doit apporter aux parties une information claire sur les délais. Soit il remet aux parties une lettre de fin de mission et le délai commence à courir à compter de la date de fin de médiation mentionnée par le médiateur. Soit il n’a pas remis ce document (ce qui nous semble peu plausible au regard des exigences posées par les juridictions et la déontologie à laquelle se soumet le médiateur), et la médiation doit être considérée comme terminée à la date fixée par le juge (généralement trois mois). Depuis le décret du 25 février 2022, il convient de rappeler que la médiation commence au jour où la provision est versée en intégralité. Si la médiation perdure après le délai fixé par le juge, le médiateur doit l’informer de ce qu’il n’a pas fini sa mission. Les parties doivent être vigilantes sur ce point.
Source : Cass. 12 janvier 2023, n° 20-20.941, Publié au Bulletin