Le Décret n° 2020-227 du 9 mars 2020 adaptant les conditions du bénéfice des prestations en espèces d’assurance maladie et de prise en charge des actes de télémédecine pour les personnes exposées au covid-19 est venu considérablement assouplir les conditions de prise en charge des téléconsultations…peut-être un peu trop !
L’extension des conditions de prise en charge des actes de télémédecine pour les personnes atteintes par le covid-19 est désormais très importante.
En effet, le décret détermine les conditions dérogatoires de prise en charge des actes de télémédecine pour les personnes atteintes ou potentiellement infectées par le coronavirus qui pourront en bénéficier, même si elles n’ont pas de médecin traitant pratiquant la téléconsultation ni été orientées par lui ni été connues du médecin téléconsultant.
Jusque là tout nous semble compréhensible et totalement circonstancié.
Le décret pose néanmoins une limite en prévoyant que les téléconsultations devront s’inscrire prioritairement dans le cadre d’organisations territoriales coordonnées, et ce dans le respect de la Convention médicale (convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 25 août 2016). Cette limitation nous semble manquer de souplesse au regard de l’intérêt de santé publique que pourraient présenter aujourd’hui, dans une telle situation de crise sanitaire, des plateformes médicales à vocation nationale.
En revanche, le décret va beaucoup plus (trop ?) loin en énonçant que les téléconsultations peuvent être réalisées en utilisant « n’importe lequel des moyens technologiques actuellement disponibles pour réaliser une vidéotransmission » (lieu dédié équipé mais aussi site ou application sécurisé via un ordinateur, une tablette ou un smartphone, équipé d’une webcam et relié à internet).
C’est là que le bât blesse, lorsque le gouvernement fait fi de la protection des données personnelles, dont l’importance est régulièrement rappelée par l’actualité sur la cybersécurité et par la CNIL.
De plus, on voit bien mal comment un simple décret peut aller à l’encontre de normes qui lui sont supérieures telles que la loi nationale ou européenne.
Pourquoi ne pas avoir plutôt décidé de fournir aux médecins les équipements informatiques qui sont aujourd’hui nombreux à exister de manière légale et règlementaire… ?
Car apparemment, l’éditeur de logiciels pour les professionnels de santé libéraux CompuGroup Medical (CGM), de même que Doctolib et Consulib, ont fait savoir qu’ils mettaient à disposition gratuitement leurs outils de téléconsultation pour répondre à la problématique du Covid-19.
Si l’on comprend qu’à situation exceptionnelle réponse exceptionnelle, il n’en demeure pas moins que ce décret intervient dans une période où nombre d’acteurs (CNIL, directeurs des systèmes d’information, Data protection officers…) tentent justement de sensibiliser les professionnels de santé au respect du droit des données de santé. Ce décret va exactement dans le sens contraire, en laissant penser aux professionnels de santé qu’après tout, ce n’est pas si important puisqu’on peut apparemment s’en passer…
En l’occurrence, nombreux sont ceux qui vont s’en donner à cœur joie pour utiliser les outils des GAFAM (Facetime d’Apple, Whatsapp de Facebook, Hangouts de Google, et Skype de Microsoft) malgré le fait que beaucoup de ces GAFAM ont été condamnés ces dernières années pour violation du droit des données personnelles.
Enfin, vu les comportements mercantilistes poussés à l’extrême que toute crise de ce type inspire, il est clair que certaines entreprises peu scrupuleuses vont profiter de cette brèche pour investir le marché de la télémédecine de façon peu légale et au minimum peu « fair play », profitant de cette omission -espérons le très temporaire- du droit des données de santé.
Le décret prévoit le maintien de ce régime d’exception jusqu’au 30/04/2020.
Affaire à suivre….